Histoire

Chavigny, à sa création dans les années 1160 et pour quatre siècles encore, consistait en une série d’îlots disséminés dans la colline, juste reliés par des sentiers, notamment au milieu des vignes exposées au Sud.

Aux origines Caviniacus

L’histoire des premiers siècles de Chavigny se perd dans la nuit des temps, et cela est bien normal, pour une localité d’une si minime importance.

Si l’on en croit l’étymologie, le nom que portait le village au Moyen Age, Caviniacus, qui a donné d’abord Chevaini, Chevenei et Chevegney avant d’aboutir à l’orthographe actuelle, serait d’origine gallo-romaine, mais cela ne nous avance pas beaucoup : il faudrait des preuves archéologiques pour affirmer que l’établissement humain portant ce nom se trouvait bien sur le même site.

Les textes sont encore muets pendant la première partie du Moyen Age, et seule l’archéologie nous laisse croire que le site de Chavigny fut bien occupé par un petit groupe de métallurgistes établis au-dessus du village actuel, près de la limite de la forêt et non loin de l’affleurement du minerai de fer.

Des restes de bas-fourneaux, pouvant remonter aux VIe et VIIe siècles, ont été identifiés lors des fouilles entreprises pour aménager le lotissement du Haldat, mais compte tenu de la pente, on peut supposer que l’établissement primitif se situait un peu plus haut, au lieu-dit La Crassière, où des fragments de scories contenant du fer et des morceaux de charbon de bois ont été depuis longtemps signalés.

VIème, VIIème, VIIIème Siècles

Des fouilles archéologiques sommaires, opérées par sondages en mai 2005, ont permis à une équipe dirigée par Marilyne Prévôt de livrer un diagnostic sur la partie du territoire de Chavigny où sera édifié le nouveau lotissement du Haldat, aux lieux-dits En Bray et Derrière le Berger. Une copie du rapport sur ces fouilles a été déposée à la mairie, où nous avons pu en prendre connaissance.  Les sondages positifs se situent dans la partie Nord et Est de la ZAC, à proximité du Chemin de la Mine et de la rue du Haldat. Ils sont en relation avec l’ancien village de Saint-Blaise, situé à environ 500 m au Nord-Est.

La partie Nord : l’ensemble le plus intéressant est celui qui se trouve dans la partie Nord, là où la topographie est relativement plane. On y a trouvé au moins un « fond de cabane », avec des trous de poteaux et des pierres de calage et peut-être aussi un second, que la proximité d’un mur de propriété n’a pas permis de définir avec certitude. C’est un habitat qui a été très répandu en Lorraine à partir du VIIIe siècle. Le comblement naturel de cette structure s’est opéré en deux temps. Une première couche, à la base, correspond à une période pendant laquelle le site a été occupé; on y trouve des fragments de céramiques, des os d’animaux et des objets en fer, au milieu d’un limon noir très charbonneux. Cela tend à confirmer que le site a été anciennement occupé par une population de sidérurgistes, au Haut Moyen Age. La deuxième couche, au-dessus, ne contient rien d’intéressant et date d’une période où le site avait été abandonné.

La partie Est : dans la partie Est de la zone étudiée, on a surtout découvert des scories et des petits débris de charbon de bois. Un fragment de céramique qui leur est associé est daté du VIe au VIIe siècle. Il serait intéressant de savoir si ces éléments sont en place ou résultent plutôt d’un ruissellement sur la pente, comme nous le croyons personnellement. Les archéologues ne se prononcent pas formellement, mais il est probable que le « ferrier », c’est-à-dire l’atelier métallurgique, se situait un peu plus au Nord-Est, où des restes de fourneau ont été depuis longtemps signalés (lieu-dit La Crassière).

Enfin, la découverte la plus étonnante est sans doute celle des restes d’un four à chaux, plus récent, mais non daté, pour lequel nous n’avions trouvé aucune mention dans les documents historiques relatifs à Chavigny. Puisqu’il était inconnu aussi bien au XVIIe qu’au XVIIIe siècle, cela veut dire qu’il remonte au moins au XVIe siècle. Tous ces éléments confirment l’occupation de l’ancien village de Chavigny dès l’époque carolingienne par une population dont l’activité principale était sans doute la métallurgie du fer.

Les premiers textes et l’arrivée de moines

Les premiers textes n’apparaissent qu’avec les moines, ce qui est logique, puisqu’ils étaient alors les seuls à savoir écrire. Ce sont d’abord les moines de l’abbaye de Saint-Vincent de Metz, fondateurs du prieuré de Sainte Lucie à Neuves-Maisons. Ils organisent au XIIe siècle la paroisse de Chaligny, dont Chavigny était une simple dépendance. Ils en perçoivent la dîme et notamment la cire qui sert à la fabrication des cierges : il y avait certainement des ruches en bordure de la forêt. La petite église de Chavigny était placée sous l’invocation de Saint Blaise, ce qui explique que l’ancien village ait été quelquefois désigné sous le nom de Saint-Blaise, qu’on retrouve aujourd’hui dans le Quartier qui porte ce nom.

Des moines aux seigneurs

Quelques années plus tard arrivent les moines de l’abbaye de Clairlieu, fondée en 1159 dans la clairière de ce nom. Divers textes montrent que ces moines avaient obtenu le droit d’exploiter le fer des mines du ban de Chaligny ou des environs, et ils n’étaient pas les seuls à le faire : on cite aussi ceux de Beaupré, de Mureau, de Flabémont, très intéressés par ce précieux métal. A cette époque, les établissements métallurgiques ne se trouvent plus sur les hauteurs ; ils sont descendus dans les vallées : les moines battent maintenant le fer à l’aide de marteaux actionnés par la force hydraulique.

Il est permis de croire que le moulin mentionné en 1291 au-dessous de l’étang de Chavigny, près du bois de Chanois, servait à fabriquer du fer. On doit situer l’emplacement de ce moulin à la Vieille Forge, aujourd’hui sur le territoire de Neuves-Maisons, mais qui appartenait bien autrefois à Chavigny. Ce seraient donc les moines qui, les premiers, auraient commencé à mettre en valeur le fond du vallon du Mazot; mais il restait encore très marécageux sur une grande partie de son cours.

Ces richesses ne laissèrent évidemment pas insensible le comte de Vaudémont, qui imposa sa suzeraineté et dut placer à Chavigny un de ses vassaux. De brèves mentions nous font croire qu‘il a existé au XIVe et au XVe siècles une famille seigneuriale de Chavigny, dont nous ne savons pratiquement rien. C’est sans doute elle qui a construit la tour, qui fut appelée dans la suite Tour Saint-Blaise. Ce furent des siècles difficiles, à cause des rivalités féodales. Chavigny fut certainement englobé, et probablement détruit, lors des guerres qui eurent pour enjeu le comté de Chaligny, en 1363, puis en 1468.

1425 : 200 habitants à Chavigny

 Vers 1425, nous savons qu’il existait tout de même à Chavigny une quarantaine de « conduits » (de fumée), c’est-à-dire de familles possédant un foyer et une cheminée, et soumises à l’impôt. Cela correspond à une population qu’on peut estimer à 200 habitants environ. Il n’y a à cette époque que 67 feux à Chaligny et 11 à Neuves-Maisons.

Mais les guerres qui ont suivi, entre Lorrains et Bourguignons, ont certainement dépeuplé le village, que les habitants soient morts ou qu’ils soient allés chercher refuge à Nancy, ville close de murailles et défendue par le duc. Dès 1475, René II accorde des lettres de sauvegarde aux habitants de Chaligny, Chavigny et de Neuves-Maisons, en promettant de les défendre, afin de repeupler ces villages.

Fin du XVe et au XVIe siècle : paix et prospérité

Chavigny connaît enfin, sous la conduite d’une nouvelle maison seigneuriale, une période de paix et de prospérité. Le duc a confié le fief de la Tour Saint Blaise à l’un de ses officiers, Robert de Molnet. Mais celui-ci ne réside pas sur place : il a confié le pauvre logis de la tour à un habitant qui est son régisseur et porte le titre de « châtelain » ; les terres qu’il possède sont louées à deux fermiers.

Plusieurs maisons du village appartiennent en outre aux religieux de l’abbaye du Clairlieu. C’est l’époque où l’on commence à mettre en valeur par des drains et des labours les terres autrefois marécageuses, à cause de l’abondance des sources, qui se trouvaient vers la base du versant. Jusqu’alors, toutes les maisons, à l’exception du moulin, se trouvaient aux abords de la tour et de la vieille église, c’est-à-dire au Quartier Saint-Blaise.

Désormais, on crée des fermes en contrebas, au quartier de la Rosière (c’est-à-dire Roselière) et ce mouvement s’accompagne d’une descente progressive de la route principale conduisant à Nancy, qui passait autrefois à la limite du bois.

 XVIIe siècle – La guerre de Trente ans (1618-1648)

Avant 1618, Chavigny se résume à un village-rue : route de Brabois, rue des Castors et rue du Haldat. Cette guerre, qui dépeuple la Lorraine, touche durement la population qui connaîtra une véritable extermination. Aussi, l’ouverture de nouvelles routes sera un facteur essentiel de recolonisation de ces campagnes dévastées.

La période de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) a été une période noire pour toute l’Europe centrale. La Lorraine, à partir de 1633, et jusque vers 1660 en raison de l’occupation française, a été victime de ses conséquences, et Chavigny n’a pas échappé complètement aux effets terribles de ce conflit, même s’il n’y a jamais eu, comme certains l’avaient cru, de destruction complète ni d’abandon du village. En 1633, le village de Chavigny, qui compte environ 200 habitants, est encore très prospère. Mais à cette date, la situation s’assombrit tout à coup. C’est d’abord la peste qui sévit, accompagnement inévitable à cette époque des déplacements des troupes.

Ce sont ensuite les exactions des armées, régulières ou irrégulières : le passage répété au cours des opérations militaires des régiments français ou lorrains, des troupes allemandes, suédoises, hongroises et croates, dépouille les habitants d’une grande partie de leurs provisions et de leurs biens. Des famines en résultent, et il n’est pas facile, dans le déclin démographique qui se produit alors en Lorraine, de faire la part de la peste, de la famine, des morts violentes dues à la guerre et de l’émigration vers des contrées plus favorisées. Il ne reste plus à Chavigny, en 1661, qu’une quinzaine de « conduits », contre une quarantaine en 1633.

Mais les habitants n’abandonnent pas.

Du moins le village n’a-t-il jamais été complètement abandonné. Les documents nous prouvent que la tuilerie continue à produire (et il en faut des tuiles, pour rebâtir les maisons que les soldats détruisent !) ; que le moulin, situé à l’emplacement de la Vieille Forge, sur le territoire actuel de Neuves-Maisons, continue à tourner tant bien que mal, même si l’on peine à trouver des fermiers ; que les terres sont encore cultivées en blés et en vignes, puisqu’au début de l’année 1638, on se plaint des calamités agricoles, qui ont gâté les récoltes.

En 1638 encore, donc en plein cœur de la crise, on voit les religieux de Clairlieu, qui s’étaient égoïstement barricadés dans leur monastère pour échapper à la peste, faire mettre en vente une maison de Chavigny dont le propriétaire est mort : l’avis officiel est affiché et lu pendant quatre dimanches à la sortie de la messe paroissiale, qui était donc encore célébrée, et neuf témoins différents, habitant le village, ont signé cette publication. Nous pouvons supposer que les habitants, lors des alertes, allaient se réfugier dans les bois et regagnaient leurs demeures une fois le danger passé.

Une vie sociale désorganisée 

Si les habitants du village ont ainsi supporté avec courage le premier choc de la guerre, c’est qu’ils avaient, peut-on supposer, toutes les raisons de tenir bon. La ville de Nancy, dont la population s’était grossie de nombreux réfugiés, ne pouvait plus se procurer de denrées alimentaires que dans sa périphérie immédiate, par suite de l’insécurité des déplacements. On imagine que les produits agricoles ou le bois de chauffage de Chavigny devaient alors se vendre à prix d’or.

Il y avait de gros bénéfices à faire pour ceux qui restaient. De plus, l’argent qu’ils gagnaient ainsi pouvait leur permettre de racheter à vil prix les maisons et les terres des habitants qui étaient morts ou qui avaient quitté les lieux. Ajoutons encore à cela qu’il n’y avait plus d’impôts à payer, puisque l’administration fiscale avait disparu et qu’on pouvait même profiter de la disparition de beaucoup d’archives pour ne plus rembourser ses dettes. Comme dans toutes les situations de crise, il y a donc eu des victimes et des profiteurs.

Dans les années 1640 cependant, la lassitude s’installe, le marasme économique est général et l’occupation française pèse lourdement sur les habitants. La vie sociale est profondément désorganisée.

Par suite du décès d’un assez grand nombre d’habitants ou de leur départ, les survivants se sont trouvés propriétaires de plusieurs maisons. Ils ont évidemment choisi d’abandonner ou de transformer en dépendances agricoles les plus vétustes d’entre elles et de s’établir dans celles qui étaient les mieux situées et les plus confortables.

Il est clair que cette période a été favorable à l’abandon progressif des maisons médiévales du vieux Saint-Blaise, et à l’installation des habitants près du fond de la vallée. D’ailleurs, au cours de cette période de reconstruction de la Lorraine, les terres du bas étaient plus recherchées, car on avait besoin de céréales plus que de vin ; la reprise économique favorisait les maisons qui s’installaient près de la route, où le commerce devenait plus actif ; enfin, avec le retour de la paix, il n’était plus utile d’habiter comme pendant la guerre à la lisière de la forêt.

La reconstruction

C’est donc au cours de la deuxième moitié du XVIIème siècle, lors de la période de « reconstruction », que le centre de gravité du village a basculé vers le bas. Il ne reste plus désormais qu’un petit nombre d’habitations près de la vieille église, tandis que la majorité des maisons forme maintenant une sorte de grappe autour du pressoir, en attendant qu’elles aillent s’aligner le long de la route. La vie sociale retrouve peu à peu sa normalité, avec l’installation d’un vicaire (déjà en 1662, mais il ne deviendra permanent qu’en 1686) et le recrutement d’un maître d’école (mentionné pour la première fois en 1664).

Les institutions municipales recommencent à fonctionner normalement, et à partir de 1661, des listes d’habitants sont régulièrement fournies, ce qui veut dire que l’on dispose à nouveau d’une base pour le paiement des impôts ! La main d’œuvre manque, et la plupart des habitants sont des « laboureurs », c’est-à-dire des cultivateurs exploitants pour leur propre compte, avec l’aide de leur famille proche, enfants, frères et sœurs restés célibataires. C’est à cette époque que s’implantent certaines des vieilles familles qui ont fait souche à Chavigny jusqu’au XXème siècle: les Colin et les Babillon en font partie; mais d’autres familles de laboureurs, comme les Badel, les Mathieu, les Maître d’Hôtel, les Poincelet, les Gaucher, ont quitté le village par la suite, pour aller exploiter d’autres terres ailleurs ou quelquefois vivre de leurs rentes à la ville.

Ces laboureurs étaient en quelque sorte des « entrepreneurs de culture », qui n’hésitaient pas à se déplacer avec leur cheptel et leur matériel, lorsque leurs baux n’étaient pas renouvelés.

La population ne s’est véritablement enracinée que lorsque sont apparus vignerons et artisans, qui souvent appartenaient aux mêmes familles.

Un siècle de reconstruction (1660-1750)

Une reconstruction lente

Après les malheurs de la Guerre de Trente Ans, la population ne se reconstitue que très lentement. La Communauté des habitants de Chavigny n’est encore composée, lors de la Déclaration de 1708, que d’une vingtaine de familles, ce qui correspond sans doute à cette époque à une centaine de personnes.

Parmi ces habitants, un tiers sont des “laboureurs”. Cette dénomination indique qu’ils disposent au moins d’une charrue, de chevaux et d’un peu de bétail. Quand ils possèdent de la terre, ils ne sont propriétaires que d’une partie des terres qu’ils exploitent ; le reste appartient au seigneur de la “Tour Saint-Blaise” ou à quelques propriétaires nobles ou bourgeois résidant à Nancy. Certains de ces laboureurs sont originaires du village, d’autres non : ils sont issus des villages voisins, avec lesquels ils ont conservé d’étroites relations familiales. Ils profitent de leurs attelages pour se faire à l’occasion “voituriers” et transporter le bois de la forêt.

Une majorité de vignerons

La majorité des habitants sont “vignerons” et souvent en même temps “artisans”. Ce ne sont pas, sauf peut-être à la fin de cette période, des artisans qualifiés, ayant été en apprentissage chez un “maître” de Nancy ou d’ailleurs. Ces artisans ruraux sont charpentier, charron, maréchal ferrant, aubergiste… On les retrouve aussi bien parmi les bûcherons quand le besoin s’en fait sentir. Cette polyvalence s’explique parce que la main d’œuvre est encore rare. Elle reste principalement familiale : c’est pourquoi il est bon d’avoir de nombreux enfants. Grâce aux efforts de tous, les friches et la forêt, qui avaient envahi les terres cultivables à la suite de la guerre, reculent progressivement.

Les premières règles d’urbanisme

De nouveaux règlements imposent désormais de ne plus établir les maisons au hasard, mais de les aligner le long de la nouvelle route qui traverse le village. Elles s’édifient donc de part et d’autre de la partie étroite du début de la rue de Neuves-Maisons et au bord de la place, où le ruisseau du Mazot coule encore à l’air libre.

Cette route vient buter contre un groupe de maisons anciennes, qui se trouve alors à hauteur de la place de la Résistance (et dont on devine quelques vestiges dans les constructions actuelles rue de Nancy et impasse du Mazot). Puis elle remonte par l’actuelle rue du Bouchot, pour rejoindre la Vieille Route du Moyen Âge (c’est-à-dire la rue des Castors et le chemin de la Vierge), qui conduit aux actuelles maisons forestières.

Mais les nouvelles constructions n’occupent que fort lentement les rives de la route. Il reste longtemps des emplacements libres, que les propriétaires vendent progressivement à mesure que s’expriment des demandes. On voit aussi des divisions par héritage, ou encore un fils construisant sa maison dans le jardin attenant à l’habitation de ses parents. On aboutit finalement, vers 1750, ou un peu plus tard, à des maisons qui sont toutes mitoyennes et à une parfaite continuité des façades. La population, qui a beaucoup augmenté, malgré quelques épidémies périodiques, doit atteindre approximativement à cette date le chiffre de 300.

Une vie communale organisée

La vie du village s’organise maintenant suivant des règles bien précises. Il n’y a pas de maire à proprement parler, car il existe un seul “maire” pour tout le comté de Chaligny, mais un “lieutenant de maire”, qui en remplit localement les fonctions et représente le pouvoir seigneurial. Les habitants élisent aussi dans leur assemblée annuelle un “syndic”, qui est un porte-parole chargé de défendre leurs intérêts matériels.

La municipalité est complétée par un “sergent” et par des gardes champêtres chargés de surveiller les récoltes. Depuis les années 1680 au moins, il existe un maître d’école, payé à la fois par la municipalité et par ceux des parents qui en ont les moyens, et un vicaire résidant, qui habite la “maison de cure” mise à sa disposition par la communauté des habitants.

XVIIIe siècle, à la veille de la Révolution française

C’est à l’époque de Stanislas (première moitié du XVIIIème siècle) que la route principale est “descendue”, devenant la route de Neuves-Maisons et qu’un nouvel axe est ouvert : la rue de Nancy et sa fameuse épingle à cheveux.

En 1789, Chavigny compte 150 à 160 maisons, toutes alignées le long de cet axe, excepté quelques maisons rue du Pressoir (peut-être une survivance de l’ancien axe). 150 à 160 foyers représentent une population de 400 à 500 personnes.

On peut distinguer alors trois catégories sociales :

  • la première, celle des laboureurs, six à huit foyers, se reconnaît à son habitat (maisons à porche ou à porte cochère), à la possession de quelques hectares et d’un train de culture (charrue et attelage de chevaux)
  • la seconde, la plus représentée à Chavigny, est celle des vignerons plus ou moins aisés, disposant de quelques ares à un hectare. Cette catégorie s’enrichira au 18e siècle car la nouvelle route ouverte vers Nancy permettra aux vignerons de vendre leur vin à la ville. D’ailleurs, la réfection de la route de Toul à Flavigny entraînera des protestations de la part de vignerons chavinéens concurrencés, de fait, par le vin de Toul. En 1820, si les vignerons s’appellent eux-mêmes « propriétaires », ils sont bien souvent également des artisans : ferronniers, tonneliers… même l’instituteur était aussi ou vigneron ou tonnelier
  • enfin, la troisième est composée de manouvriers dits aussi journaliers, qui ne possèdent rien et pour la plupart ne sont pas des descendants de Chavinéens… des immigrés de la Lorraine en quelque sorte : originaires de Bayon ou des environs.

Il faisait bon vivre à Chavigny

En effet, les habitants, s’ils devaient s’acquitter de la dîme, échappaient par contre aux contraintes et aux droits seigneuriaux. La famille de Haldat avait vendu ses terres et émigré à Gondrecourt au XVIIIème siècle ; il n’y avait donc plus de seigneur à Chavigny. Autant de corvées et de redevances en moins !

Les habitants de Neuves-Maisons, eux, doivent non seulement s’acquitter des droits seigneuriaux mais aussi doivent entretenir le prieuré fondé vers 1100 et alors tenu par les Jésuites. Ceci sans doute explique qu’il y ait eu à Chavigny assez peu de tensions pendant la Révolution de 1789, contrairement à Neuves-Maisons qui connut beaucoup plus d’engagements révolutionnaires.

En dépit de cette différence, la population de Neuves-Maisons augmente plus rapidement qu’à Chavigny, et ce dès avant la Révolution. Certes, Neuves-Maisons jouit d’une situation commerciale plus favorable, à un carrefour de routes : cet atout de centralité se traduit par un plus grand nombre de constructions…tandis qu’à Chavigny, entre 1800 et 1850, la population stagne et s’élève à environ 500 personnes : on évite d’avoir trop d’enfants afin de ne pas morceler les terres…

A la veille de la Révolution Française

Chavigny compte, d’après les documents officiels, 370 habitants. Dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle en effet, la population continue à augmenter, à la fois par son dynamisme interne et par l’arrivée de nouvelles familles de cultivateurs, de vignerons et d’artisans, qui veulent profiter de la prospérité créée par la proximité de la ville de Nancy.

Ces migrations, ainsi que les échanges économiques, sont favorisées par les nouvelles routes que l’on construit en Lorraine à l’époque du roi Stanislas. Les habitants des villages traversés murmurent, car ils sont réquisitionnés chaque année pour des corvées de charrois et d’empierrement des chaussées ; mais ils en sont aussi les bénéficiaires, car le vin et les céréales qu’ils produisent peuvent maintenant se vendre sur un marché qui déborde le cadre local. L’abondance se répand le long des routes qui entourent Nancy, et elle attire les habitants des districts pauvres et surpeuplés.

L’année 1757 marque une grande date dans l’histoire du village : c’est celle de la construction de la route royale de Nancy à Langres sur le territoire de la communauté. Jusqu’ici, les voitures à cheval étaient obligées d’emprunter le Chemin de la Vierge pour accéder aux actuelles maisons forestières et pour traverser le plateau de Chasset en direction de Nancy : la montée était étroite et difficile, et en sens inverse, la descente était considérée comme périlleuse. C’est pourquoi on a décidé de créer une chaussée plus large, partant du centre du village, coupant à travers les propriétés existantes, et de lui donner une pente plus faible grâce au lacet de l’épingle à cheveu.

Toutefois, les premières constructions de maisons le long de cette partie de la rue de Nancy située au-dessus du carrefour de la rue du Bouchot et de la place de la Résistance ne datent que des années 1800.

Le centre village s’aménage 

Le village n’a pas encore besoin de s’étendre en longueur, car il cherche plutôt à aménager sa partie centrale : des maisons se construisent des deux côtés de la place, que l’on a assainie en captant les eaux du Mazot pour les besoins de la nouvelle route.

De part et d’autre de cette place, on aménage deux fontaines, celle du haut (aujourd’hui place de l’église) et celle du bas. En même temps, on abandonne les dernières habitations qui subsistaient à la limite des bois. Le symbole de ce recentrage de Chavigny sur le fond de la vallée est la construction de la nouvelle église, consacrée en novembre 1773. Elle remplace la vieille église devenue trop petite et trop coûteuse à réparer qui se trouvait à proximité de l’ancienne Tour Saint-Blaise, elle-même presque à l’abandon.

Pour pouvoir financer la construction du nouvel édifice du culte, la communauté des habitants a dû obtenir du roi lui-même l’autorisation d’exploiter et de vendre le bois de son « quart en réserve », c’est-à-dire de la partie de la forêt communale qui pouvait être coupée pour faire face à de grosses dépenses d’investissement.

Un village privilégié

L’impression générale que nous donne le village de Chavigny avant la Révolution est celle d’un village favorisé. Le seigneur de la Tour Saint-Blaise, qui réside à Gondrecourt, a vendu ses propriétés et n’intervient plus dans la vie locale. L’assemblée des habitants, à laquelle toutes les familles sont représentées, décide des affaires de la communauté. Elle élit un syndic qui administre ses biens. Un « sergent de ville » fait respecter les règlements municipaux.

Il existe un vicaire à demeure, logé par la communauté, et un instituteur public, choisi par la communauté et titulaire d’un contrat qui lui impose, comme c’est le cas partout ailleurs, de sonner les cloches et de faire office de sacristain.

Même si l’enseignement qu’il dispense n’est pas de haut niveau, on constate tout de même, d’après les registres paroissiaux, que tous les hommes nés à Chavigny savent écrire et que les femmes originaires du village savent au moins signer leur nom, ce qui n’est pas souvent le cas des nouveaux venus. Il faut aller à Pont Saint Vincent pour trouver un médecin, mais la communauté désigne sur place une « matrone », chargée de présider aux accouchements et en même temps aux baptêmes, si l’enfant est en danger de mort. La cohésion sociale est grande dans le village : elle aidera à traverser sans déchirements trop dommageables les épreuves de la Révolution.

La Révolution française à Chavigny

La parole au peuple

En décidant de convoquer les Etats Généraux, le roi Louis XVI donne pour la première fois la parole au peuple. Dans chaque paroisse, une assemblée de tous les chefs de famille se réunit pour désigner des délégués et pour rédiger un cahier de doléances.

A Chavigny, l’assemblée municipale se réunit le 22 juin 1788 dans la maison d’école : il y a peu d’absents, puisque 59 personnes sont présentes, comme l’attestent leurs signatures. Les habitants, dans un esprit d’équité et de continuité, désignent pour les représenter des hommes instruits qui appartiennent aux trois principaux groupes sociaux : Joseph Henry pour les laboureurs, Sébastien Lataye comme vigneron et l’aubergiste Nicolas Bourguignon, qui est au nombre des artisans et commerçants.

Par la suite, Joseph Henry, qui est l’homme le plus riche du village, sera élu “syndic”, et pour le remplacer, on nommera comme nouveau délégué lors d’une assemblée ultérieure Hubert Richard, qui est un des principaux vignerons.

Les revendications des habitants

Le Cahier de doléances élaboré par la communauté des habitants présente de grandes ressemblances avec ceux des villages voisins. Il commence par exposer des revendications générales, dont la première est celle de l’égalité devant l’impôt : les contributions doivent être réparties également entre tous les citoyens, sans exemptions ni privilèges, en tenant compte seulement des biens qu’ils possèdent. Viennent ensuite des critiques relatives au mauvais fonctionnement de la justice et à la perception des impôts indirects.

Mais à partir du dixième alinéa, on voit apparaître des revendications qui concernent plus particulièrement Chavigny. Les habitants n’ont pas oublié le procès qu’ils ont perdu contre la maîtrise des Eaux et Forêts, et réclament à nouveau la pleine propriété du bois de Champelle, qu’un seigneur leur aurait donné au XVe siècle !

Ils exhalent librement toutes leurs vieilles rancœurs : au sujet de la dîme du vin, qui est payée chez eux dans les maisons, et non pas à la vigne, comme cela se fait ailleurs ; contre les pigeons du colombier seigneurial, que l’on devrait enfermer à l’époque des semailles et des moissons, car ils font beaucoup de dégâts ; contre les arbres plantés au bord des chemins, qui font trop d’ombre aux cultures des parcelles limitrophes. Ils protestent encore contre une nouvelle taxe qu’on lève maintenant sur la distillation des marcs de raisin. Sur tous ces thèmes, l’opinion villageoise est évidemment unanime.

Revendications religieuses

En matière religieuse, la critique est tout aussi pertinente. Les habitants n’acceptent plus de n’être desservis que par un simple vicaire, soumis à ce que l’on appelle la “portion congrue”. Ils veulent que chaque village ait un curé titulaire, et que ce soit la paroisse qui bénéficie effectivement de la dîme, selon l’esprit dans lequel la dîme avait été initialement instaurée, au profit “de son pasteur et de ses pauvres”.

Mise en place du Conseil général de la commune

C’est cet état d’esprit de revendication ferme, mais modérée, portée par les petits notables locaux, qui domine pendant toute la première partie de la Révolution.

L’application à la fin de 1791 de la nouvelle loi municipale, votée par l’Assemblée constituante, permet la mise en place d’un “conseil général de la commune”, présidé en 1792 par Hubert Richard et en 1793 par Joseph Claude Henry, fils de Joseph Henry.

Le secrétaire de mairie est le jeune instituteur Mansuy Babillon. On voit cependant apparaître, à côté de cette municipalité de petits notables, un “comité de surveillance”, qui groupe des personnages d’idées plus avancées. Il fait une place à des citoyens de condition très modeste, comme le pauvre cordonnier Claude Badel, qui sait à peine signer son nom, mais on trouve à côté d’eux le meunier Nicolas Alexandre et le distillateur Nicolas Cholay, lieutenant du détachement de la Garde nationale formé dans le village. A vrai dire, ce comité ne fait état que d’incidents minuscules, dus à des conflits de personnes, et cela ne fait que souligner le calme remarquable qui a régné à Chavigny jusqu’en 1795. A cette date, une nouvelle loi municipale regroupe les anciennes communes : de 1795 à 1800, Chavigny n’est plus qu’une annexe de la grande commune de Pont-Saint-Vincent.

XIXème siècle : l’exploitation du minerai de fer

Un site favorable 

Auparavant, les départements producteurs de fer étaient la Haute-Marne, la Meuse et les Ardennes. On y trouvait un minerai très riche en fer, non sédimentaire c’est-à-dire en surface et on utilisait le charbon de bois pour le réduire. En fait, pour qu’un site soit propice à la construction d’une usine métallurgique, il devait remplir trois conditions :

  • Disposer de minerai de fer en surface.
  • Disposer d’une force motrice : un cours d’eau.
  • Disposer des étendues de forêts où les charbonniers itinérants préparaient le charbon de bois.

Le site de Chavigny répond à ces conditions.

Le haut fourneau et la fontaine des Roches

La construction

Et c’est ainsi que M. Demi-Muid, natif de Commercy, s’installe à Chavigny et fait construire en 1837 un haut-fourneau au lieu-dit « la vieille forge » à côté de l’actuel foyer Cibulka, près du ruisseau du Mazot.

Ce haut-fourneau sera alimenté par du minerai de fer sédimentaire – c’est alors une nouveauté – exploité en minières et non en galeries dans le bois de Grande-Fraise en surplomb de Ludres. Ce haut-fourneau employait six à huit personnes fixes puis vingt à trente maximum et quelques ouvriers itinérants.

De reprises en fermeture

Huit ans plus tard, c’est la faillite. L’affaire est alors reprise par un autre maître de forge : M. Moreau. En 1857, M. Moreau obtient la concession Chavigny-Vandoeuvre ce qui lui permet d’exploiter le minerai de surface mais aussi le sédimentaire profond. Il entreprend également des travaux de reconnaissance sur Houdemont et Vandoeuvre. Mais l’exploitation minière de fond sur le Montet et Vandoeuvre se heurte à une double résistance : d’une part des habitants, à cause des sources, d’autre part du génie militaire, hostile, en ces années 1870, à la mise en place de galeries autour de Nancy susceptibles d’affaiblir les défenses de cette ville.

Par conséquent, la concession de Chavigny est restée de petite dimension. Cette concession sera mise en valeur à partir de la Fontaine des Roches située près du camp d’Affrique, oppidum celtique au-dessus de Ludres. L’entrée se trouvait près de l’actuelle maison délabrée située dans l’épingle à cheveux. Le minerai extrait était transporté par plan incliné sur Messein avec raccordement au chemin de fer. Cette concession et le haut-fourneau seront rachetés par M. Steinbach en 1867; deux ans plus tard, M. Steinbach acquiert également l’usine de Jarville, de production plus industrielle et c’est ainsi que le haut-fourneau de Chavigny cessera de fonctionner en 1876. Le site d’exploitation de la Fontaine des Roches, quant à lui, sera fermé en 1930.

Le Val de Fer

1872 marque un tournant dans l’histoire sidérurgique de la vallée

Dix-huit actionnaires principaux, dont M. Lespinats, maître de forge à Pont-Saint-Vincent et M Michaud, propriétaire des cristalleries de Baccarat, fondent la Société anonyme de la Haute-Moselle. Cette société achète 4000 hectares de concession minière et obtient l’autorisation de l’ouverture de la mine du Val de fer. Le minerai extrait sera réduit en fer et en acier à l’usine sidérurgique de Neuves-Maisons, construite simultanément dans la vallée. Cette mine de fer comptait plusieurs accès à Chavigny, au Val de fer, à Chaligny et à Neuves-Maisons que les mineurs empruntaient en fonction de leur lieu d’habitation. En revanche, le minerai de fer n’était évacué que par la seule sortie du Val de fer. Les eaux d’exhaure, elles, étaient déversées en dessous de la Forestière et à Maron au fond de Monvaux.

Le Coucou

1885 voit la création d’un chemin de fer minier : le « coucou » de la sortie de la mine Val de fer au canal de l’Est, soit six kilomètres de voies équipées d’un tunnel garage de quarante mètres et empruntant trois ponts dont celui du « coucou », ainsi qu’un tunnel de 120 mètres. Creusement de tunnels et érection de murs entraînent des perturbations et nuisances pour une partie des Chavinéens. M. Lespinats propose 10 000 francs de dédommagement à la commune de Chavigny qui accepte d’autant plus que l’implantation de la Société de la Haute-Moselle a favorisé le village dont la population a fortement augmenté (800 habitants dans les années 80 contre 500 au maximum en 1850).

Le développement du Val de Fer

La mine Maron-Val de fer ne cesse de s’accroître en parallèle avec le développement de l’aciérie de Neuves-Maisons. Les ouvriers et mineurs embauchés par la Société de Haute-Moselle subissent une forte pression patronale : les horaires sont encadrés, le travail rationalisé ; production est le maître-mot. Aussi les ouvriers de la mine Maron-Val de fer s’ouvriront ils à la syndicalisation et aux idées socialistes. La mine Steinbach, en comparaison, apparaît comme moins moderne. Le travail y est artisanal. Les horaires des mineurs y sont plus modulables, d’où la possibilité pour les mineurs paysans de conserver des cultures. De fait on y est plus conservateurs. En revanche, à la mine Maron-Val de fer éclatent de grandes grèves en 1905-1906. Les mineurs réclament un contrôle des pesées du minerai extrait – ils se sentent trop souvent volés – une augmentation de la prime de tonnage et refusent les horaires imposés par la direction. Malgré la venue de la troupe, les grévistes obtiendront un délégué mineur à la bascule et un compromis pour les horaires des mineurs-paysans. Pendant la première guerre mondiale, la production continue à Maron-Val de fer grâce aux femmes et aux invalides. La mine Steinbach, elle, cesse son activité pendant la guerre puis définitivement en 1930. La mine Maron-Val de fer fermera en 1968.

Les conséquences de l’ouverture des mines

La conséquence la plus tangible est l’afflux de population et ce dès 1870. Les habitants de Chavigny ne se faisaient guère au travail de la mine. Arrivent alors des immigrés venus de divers horizons : des Belges, des Luxembourgeois, des Alsaciens, des Savoyards, des Italiens parlant français car originaires du nord du Piémont et du Val d’Aoste, des personnes venues des Vosges (de Ronchamp, de Belfort), du Jura, du Massif-Central en particulier du Puy (on retrouve  » la petite Auvergne  » à Chavigny). Au début, les étrangers sont montrés du doigt ; ils ignorent les usages ruraux – on parle de chapardages – et entre 1870 et 1890 ils n’ont pas accès au conseil municipal. Les étrangers rencontrent des difficultés pour se loger, les mineurs vivant dans des baraquements en planches. Beaucoup d’immigrés repartent sauf les Auvergnats. De toutes façons, l’augmentation démographique est très rapide du fait de la jeunesse de la population des mineurs. Ainsi, de moins de 500 habitants en 1850, le village compte 1240 habitants en 1906.

Une conséquence indirecte sera en 1910 l’amputation d’une partie du territoire de Chavigny : 87 ha sur un territoire qui en comportait 775, avec en particulier la perte de l’entrée de la mine du Val de fer. M. Bonnefont a toutes fois rappelé quelques données : la population ayant plus que doublé, la commune assez pauvre ne parvient plus à faire face aux besoins scolaires et aux besoins en eau de tous ses habitants. L’école doit refuser de nombreux enfants, les classes comptant déjà 50 à 70 élèves. Aussi les habitants du bas du village sont-ils contraints d’aller à Neuves-Maisons pour quérir de l’eau et scolariser leurs enfants. Tout naturellement ils demandent leur rattachement à la commune de Neuves-Maisons. Leur pétition de 1902 aboutit en juin 1910 sur avis du ministère… la Société de Haute-Moselle ayant pesé sur cette décision.

Une troisième conséquence évoquée est le fait que Chavigny devienne peu à peu un village-dortoir. Vers 1905, la mine est électrifiée et les chevaux sont devenus inutiles. De même, grâce à l’électricité, le tramway fait son apparition à Chavigny en 1910-1911. Maintenant, une partie des habitants du village peut travailler aisément hors de la localité. C’est ainsi que peu à peu Chavigny devient un village-dortoir.

Chavigny au début du XIXè siècle

Une stabilisation démographique 

Les premières années du XIXe siècle sont, pour le village de Chavigny, une période de stabilisation démographique après la vigoureuse expansion du siècle précédent. La population augmente à un rythme plus modéré, en raison de la chute rapide du nombre moyen d’enfants par foyer. On limite les naissances pour ne pas disperser lors de l’héritage les quelques biens que l’on a pu acquérir, et pour assurer aux enfants une vie plus heureuse et une meilleure éducation. Cette réduction rapide de la natalité, qui se fait en l’espace d’une génération, coïncide avec un net recul de la mortalité. On meurt moins jeune, en raison des progrès de l’hygiène, du bien-être et de la présence d’ « officiers de santé », installés à Neuves-Maisons ou à Pont-Saint-Vincent, que l’on consulte en cas de maladie grave. La population vieillit donc, tout en restant très jeune par rapport à nos critères actuels.

Vers la classe des vignerons

On comprend que dans ces conditions, l’expansion spatiale du village soit aussi ralentie. On continue à construire quelques maisons, notamment au bord de la rue de Nancy, mais le plus souvent, on se contente d’aménager et de moderniser l’habitat existant : parfois, la maison trop vétuste est entièrement reconstruite, parfois elle est divisée entre deux héritiers, dans d’autres cas, on y ajoute des dépendances. Aucune ferme nouvelle ne se crée, car le nombre des « laboureurs », qu’on appelle désormais plutôt des « cultivateurs », n’augmente pas.

Mais l’accroissement de la demande de vin a fait émerger une classe très nombreuse de « vignerons », qui acquièrent pièce par pièce les terres que leur vendent les grands propriétaires d’autrefois, qui ont presque tous quitté le village, auquel ils ne s’intéressent plus.

Parmi ces vignerons, quelques-uns sont en même temps des artisans, d’autres sont si pauvres qu’ils sont obligés de louer leurs bras à leurs voisins. Mais, tous, y compris les arrivés de fraîche date, ont le ferme espoir, après une vie de dur labeur, de pouvoir s’intituler « propriétaires ». La maison type est donc la maison du vigneron : dépourvue de porte cochère, de vastes greniers, sa façade est plus étroite que celle du laboureur ; elle est construite sur cave, et possède en outre, dans les dépendances situées à l’arrière de l’habitation, un cellier qui est à demi enterré, lorsque la maison est adossée au versant.

Des us et coutumes maintenus

La Révolution a fait progresser le bien être, instauré de nouveaux rapports sociaux, mais elle n’a pas fondamentalement changé le mode de vie des habitants, qui restent fidèles aux traditions ancestrales. On continue à rechercher un conjoint sur place ou dans les paroisses voisines, avec lesquelles les liens restent très étroits.

C’est surtout vrai de Chavigny et Neuves-Maisons : les deux villages partagent le même desservant du culte, l’abbé Masson, curé de Neuves-Maisons ; beaucoup de terres du bas du village appartiennent à des propriétaires néodomiens ; mais les relations familiales sont également fréquentes avec Chaligny, Messein, Pont-Saint-Vincent, sans oublier Villers et Vandoeuvre.

Pas d’espace public 

La vie politique est inexistante avant 1830. Le maire est nommé par le pouvoir parmi les notables du pays. A Charles Delporte (1800-1810), succède Jean-Nicolas Collin, un laboureur aisé, dont le principal mérite est d’avoir fait construire, en 1826, un bâtiment devant servir à la fois de mairie et d’école.

Jusque-là, les réunions municipales se tenaient au domicile du maire, et l’école se faisait, soit au domicile de l’instituteur, soit dans une maison louée par la municipalité. Ce bâtiment municipal, situé « rue des Écoles », a disparu ces années dernières lors des travaux de construction de la résidence du Châtel.

Le cadastre Napoléonien

Le cadastre napoléonien

1814. Les nouveaux impôts qui ont été créés sous la Révolution en remplacement de ceux de l’ancien régime sont principalement assis sur la fortune foncière : le principal d’entre eux est la contribution foncière. Elle ne peut être parfaitement juste que si l’on détermine de façon objective, non seulement la contenance de chaque parcelle de terre possédée, mais aussi sa destination agricole, et si l’on tient compte de la valeur du sol, en classant les terres de la commune dans différentes classes de fertilité.

Parmi les autres impôts, il en existe un autre sur les habitations, qui les répartit en différentes classes en se fondant sur leur superficie au sol et surtout sur le nombre de leurs portes et fenêtres ! Tout le monde réclame donc l’établissement d’un cadastre, qui établisse une base juste et inattaquable pour la fiscalité. C’est la raison pour laquelle Napoléon 1er a pris la décision de doter d’un cadastre toutes les communes françaises.

Le cadastre napoléonien à Chavigny 

Le cadastre de Chavigny porte la date du 24 août 1814 ; les travaux d’arpentage sur le terrain ont été terminés en 1812 et les renseignements relatifs aux propriétés bâties font référence à l’année 1813. Ce cadastre de 1814 se compose de deux documents. Le premier est le plan cadastral ; les terrains y sont désignés par un code comportant une lettre, qui désigne la section, et un chiffre, qui est le numéro de la parcelle dans la section.

Le second est un répertoire, appelé « état de sections », où l’on trouve en face de chaque numéro de parcelle le nom de son propriétaire. Par la suite, on a ajouté des registres, destinés à enregistrer toutes les mutations qui se produisaient : achats et ventes de terrain d’un même propriétaire, mutations par héritages ou partages familiaux, constructions nouvelles ou démolitions de bâtiments, etc.

Le cadastre de Chavigny, devenu aujourd’hui presque illisible en raison de sa vétusté, est une source de renseignements très précieuse pour l’histoire du village. Il donne d’abord l’état de la voirie et des constructions. Le village était d’abord un « village rue », où les maisons étaient alignées le long de la route de Nancy à Neufchâteau. Dans le bas du village, elles étaient jointives, à partir de l’actueln°24 de la rue de Neuves-Maisons ; dans le haut du village, elles étaient espacées, car c’était l’endroit où l’on en construisait de nouvelles. La plus haute se trouvait vers l’actuel n°95 de la rue de Nancy. On ne trouvait, en dehors de la rue principale, que de petits groupes de maisons, sur la place du Pressoir et à la Rosière. Les chemins qui convergeaient au centre du village avaient un intérêt agricole et n’étaient pas bordés de constructions. Les seuls écarts correspondaient à des bâtiments industriels anciens : la Tuilerie, ou encore en activité : le Moulin (aujourd’hui sur le territoire de Neuves-Maisons).

Que nous enseigne-t-il ?

Il donne une vue très précise de la répartition des terres agricoles et des jardins. Sur une superficie totale qui était alors de 750 hectares, les bois communaux ou impériaux couvraient un peu plus de la moitié du territoire (388 ha) ; leur répartition était alors celle qu’elle est encore de nos jours.

Les terres labourables (220 ha) occupaient près des, 2/3 de l’espace agricole utilisable ; elles se trouvaient à peu près également réparties entre les sections du cadastre, à l’exception de celle où étaient placées les maisons.

La superficie des vignes, en pleine expansion, atteignait près de 66 hectares. On ne les trouvait ni sur le plateau, ni sur le versant de la vallée exposé au nord-ouest, mais uniquement sur celui qui regardait le sud-est, dans les sections C, D et E.

Les prés et pâtures n’étaient pas très nombreux : moins de 33 hectares, surtout dans le fond de la vallée. Les vergers, jardins et chènevières occupaient en tout 17 hectares, à proximité immédiate des maisons ; des haies continues les protégeaient contre les divagations du bétail. Il y avait en outre 14 ha de « terrains vagues », inutilisables pour autre chose qu’un peu de pâturage.

Chavigny au milieu du XIXe siècle

Des institutions locales rénovées

Sous la Monarchie de Juillet, à partir de 1831, la vie municipale devient plus animée, car le conseil municipal est élu par les habitants les plus riches (environ une quarantaine). Le maire et l’adjoint sont nommés par le préfet, qui ne peut les choisir que parmi les élus.

Le nouveau maire n’est plus un cultivateur aisé, mais un artisan : Jean Nicolas Galliot, tout en étant vigneron, exerce le métier de maréchal ferrant. Sa fonction a un double aspect : il est l’élu de la population, qu’il représente, mais nommé par le préfet, il est aussi un fonctionnaire représentant de l’administration, dont les activités sont strictement encadrées ; le conseil ne peut se réunir qu’au moment des sessions autorisées et dans l’intervalle, le maire doit à des dates fixes renseigner toutes sortes de documents demandés par la préfecture.

Lorsque le suffrage universel est introduit dans les élections municipales, après la révolution de 1848, Jean Nicolas Galliot devient le premier maire de Chavigny directement élu par les habitants.

La révolution industrielle en marche

Un changement important se produit dans la vie du village, annonciateur de changements encore plus grands. Un maître de forges de la Meuse, Jean Léon Demimuid, demande à exploiter à Chavigny un haut fourneau alimenté par du minerai local du bois de Grande Fraize et fonctionnant au charbon de bois. Il en obtient l’autorisation malgré l’opposition du conseil municipal de Nancy, qui craint que cette concurrence ne fasse encore augmenter le prix du bois.

En réalité, le bois est abondant dans le département de la Meurthe, car les salines, qui en consommaient beaucoup, utilisent maintenant le charbon de la Sarre. Établi à la Vieille Forge (sur le territoire actuel de Neuves-Maisons), le haut fourneau fonctionne avec une équipe restreinte d’ouvriers spécialistes, venus de Haute Marne et logés sur place.

Le reste de la main d’œuvre (bûcherons, charbonniers, voituriers) se répartit dans tout le département. La vie du village est tout de même changée, à partir de 1838, à cause du mouvement des lourds chariots qui transportent les matières premières : ils sont un danger redoutable, si les chevaux s’emballent dans la descente et ils labourent profondément les rues.

Une géographie religieuse revisitée

Le milieu du siècle est aussi l’époque de l’érection de Chavigny en « succursale », c’est-à-dire en paroisse à part entière. Depuis le début du siècle, l’église était desservie par le curé de Neuves-Maisons, nommé Masson. Les habitants se plaignaient beaucoup de cet état de choses.

En 1845, un desservant est enfin nommé, pour lequel la municipalité doit aménager un presbytère : il s’agit de l’abbé Michel.

Du nouveau pour l’instruction publique

La maison d’école, qui a été créée en 1824, est très insuffisante ; la salle de classe ne peut plus contenir les 70 élèves inscrits et l’instituteur est trop à l’étroit dans son petit logement. Il faut agrandir et moderniser.

Favorable au développement de l’instruction publique, le conseil vote avec plaisir les crédits pour des travaux qui permettent d’aménager en 1835 une école plus spacieuse, plus lumineuse, plus aérée et mieux équipée.

Une population stationnaire

La population est stationnaire (467 habitants en 1842), mais cela ne veut pas dire stable. Les mariages se font assez souvent au dehors et de plus en plus loin ; des familles s’en vont, d’autres s’installent ; les nouveaux arrivants sont généralement pauvres, mais à l’instar de ceux qui sont là depuis longtemps, ils achètent de la terre, ils acquièrent ou construisent des maisons.

Le village s’étire le long de la route principale, où le plan d’alignement de 1834-1844 fait disparaître les vieilles façades. La génération des « laboureurs » du début du siècle s’éteint sans être complètement remplacée : vers 1850, il ne reste plus au village que trois authentiques cultivateurs : Jean Joseph Voirand, Ambroise Jollain et Augustin Collin.

Mais les vignerons sont plus nombreux que jamais, et l’on se précipite pour louer chaque année l’adjudication du pressoir communal. On se dispute aussi l’abattage du bois des affouages, la location des chasses, la confection des fossés, la réparation des chemins communaux, la location des prés.

L’artisanat se diversifie : aux aubergistes, au tonnelier, au charron et au maréchal ferrant s’ajoutent des épiciers, des voituriers et des entrepreneurs de bâtiment. (Jean-Claude Bonnefont)

La vie municipale de 1850 à 1914

Des édiles communaux

Pendant de longues années, la commune est administrée par des « propriétaires », ce qui est bien normal, puisque les principales questions sont relatives au territoire forestier ou agricole, et que le principal impôt est la contribution foncière.

On voit se succéder comme maires Victor Voirand (1850-1859), Mansuy Galliot (1859-1866), Joseph Nicolas Hanus (1867-1871), Charles Vitrey (1871-1875), Oscar Voirand (1875-1878), qui font face à des difficultés de plus en plus grandes, liées aux débuts de l’industrialisation, puis à la guerre de 1870. Pierre Dévot (1878-1884), simple tisserand originaire du pays de Sarrebourg, pratique une politique plus dynamique en aménageant le nouveau cimetière, qui remplace en 1884 celui qui entourait l’église et en faisant construire une école de filles, avec une classe de maternelle : ce bâtiment, terminé en 1880, abrite aujourd’hui la mairie.

Sous son mandat, qui coïncide avec l’arrivée d’un nouveau curé au caractère abrupt et énergique, Emile Dupal (1875-1906), la tension devient très vive entre la municipalité et la paroisse

Les relations tumultueuses avec l’église

On fait appel pour l’école de filles à des institutrices laïques, alors que des religieuses auraient coûté moins cher ; on se chamaille à propos de la sonnerie des cloches, que le curé retire à l’instituteur et pour laquelle la municipalité supprime ses crédits ; le conseil municipal invoque la pauvreté de la commune pour retarder la réparation du plafond de l’église, qui menace ruine, au point qu’en 1884, l’évêque prend la décision de fermer au culte ce bâtiment.

Cette crise a pour conséquence l’échec de Pierre Dévot aux élections de 1884. Ses successeurs pratiquent une politique plus favorable à l’église et au patronat, qui considère que la pratique religieuse est de nature à modérer les revendications sociales. Charles Vitrey (1884-1892) établit de bons rapports avec les sociétés minières et consacre beaucoup de crédits aux fontaines et à la voirie.

Ces relations deviennent encore meilleures lorsqu’on élit comme maire en 1892 Eugène Defrance, qui est employé de bureau à la mine Reinbach. Mais il meurt subitement en 1895.

Les relations avec la population

Son successeur William Rousseaux (1895-1904) est lui aussi d’opinion modérée, mais il se heurte, sur la question de l’adduction d’eau aux habitants du bas du village, à l’hostilité de la commune de Neuves-Maisons, soutenue vigoureusement par l’usine sidérurgique de la Haute Moselle, dont la capacité s’accroît sans cesse.

C’est sous son mandat que l’on ouvre près de l’ancienne mairie une nouvelle classe de garçons, que Defrance avait refusée en affirmant que les femmes des mineurs, qui n’avaient rien à faire, pouvaient bien garder près d’elles plus longtemps leurs enfants, pour ne pas encombrer l’école !

Les tensions persistent

Les élections de 1904 portent au pouvoir une équipe réellement nouvelle, de sensibilité plus « avancée », où figurent pour la première fois des mineurs arrivés de fraîche date au village. Le maire, Jean-Baptiste Aubert (1904-1914), reste un agriculteur, mais il a pour adjoint un mineur : Jean Mosnier, puis Pierre Vermoyal.

Cette évolution coïncide à la fois avec l’effondrement de l’économie viticole, ruinée par la crise du phylloxéra, et avec l’organisation du mouvement ouvrier, qui se traduit par les grandes grèves de 1906 et l’occupation du village par la troupe. La querelle religieuse reprend de plus belle, à la suite de la loi de séparation de l’Église et de l’État et de l’inventaire de l’église, qui a lieu en 1906.

Elle s’envenime au sujet du loyer que le curé doit désormais payer à la municipalité pour occuper le presbytère. L’évêque tente de calmer les esprits en nommant en 1906 un nouveau curé, l’abbé Paul Birkel ; mais ce dernier ne s’installe pas au presbytère, mais dans une maison qu’il louée en face de l’église.

La tension n’est pas retombée en 1911 : alors que la commune n’a pas encore pu faire poser l’électricité dans les écoles et les autres bâtiments communaux, le curé a pris tout le monde de vitesse en faisant installer l’électricité à l’église. Le conseil furieux demande au maire de poursuivre l’abbé devant la justice pour l’avoir fait sans autorisation et en violant les sépultures du cimetière désaffecté entourant l’église !

La guerre de 1914-1918, avec ses drames épouvantables, suscitera un sursaut d’unité et fera taire ces petites querelles de clocher dont était faite la vie locale au XIXe siècle.

(Jean-Claude Bonnefont)

La grande mutation des années 1860-80

La Révolution industrielle

Le terme de « révolution industrielle », que les historiens emploient pour caractériser la naissance en Europe occidentale de nouvelles industries fondées sur le charbon, le fer et la généralisation de la machine à vapeur, s’applique particulièrement bien à notre village : qui aurait pu prévoir, en 1850, ce que Chavigny était devenu en 1880 !

Le fait majeur est l’octroi des premières concessions minières : le maître de forges Jean Alfred Moreau obtient celle de Chavigny et Ludres en 1856 ; il est suivi en 1870 par Jules Adam, Simon, Lemut et compagnie, à la Fontaine des Roches, en 1873 par Dupont Fould à Ludres et surtout en 1874, par la Société Métallurgique de la Haute Moselle, qui est autorisée à exploiter celle du Val de Fer.

La révolution industrielle à Chavigny

Le minerai provenant de la mine de Chavigny, dite Steinbach, dont l’entrée se trouve dans le haut du village, près de « l’épingle à cheveu », sort par une galerie au-dessus de Ludres et est emmené par chemin de fer à l’usine de Jarville.

Ceux de Dupont Fould et de la Fontaine des Roches sont également conduits par chemin de fer dans des usines situées au nord de Nancy. Seul le minerai du Val de Fer est destiné à alimenter une usine locale : celle que la Société Métallurgique de la Haute-Moselle commence à construire à Neuves-Maisons à partir de 1872.

Comme la production de cette mine du Val de Fer s’accroît sans cesse, une ligne de chemin de fer est créée en 1884 entre la mine et l’usine : elle traverse en boucle tout le territoire de Chavigny, sépare le haut du village de sa partie centrale et longe le versant oriental de la vallée en traversant un tunnel, qu’on a surtout construit pour éviter les glissements de terrain sur ces pentes réputées instables.

On l’appelle aujourd’hui « le Chemin du Coucou ». Les protestations des habitants contre cette voie ferrée qu’ils considéraient comme une atteinte à la qualité de leur vie ont été rejetées et la municipalité a simplement obtenu une indemnité de 10 000 francs.

Et ses bouleversements

Ces transformations se produisent au moment où la Lorraine commence à devenir, avec le Nord, une grande région industrielle française. Les besoins en fonte et en acier sont considérables, pour l’équipement des chemins de fer, la construction d’usines et même l’architecture.

La guerre de 1870-71, qui prive la France de l’Alsace-Lorraine, rend très précieuses les mines de fer du bassin de Nancy, en attendant que montent en puissance celles du Pays-Haut, qui sont plus profondes.

Mais l’agriculture aussi est stimulée : elle doit nourrir une population accrue par l’immigration des Alsaciens Lorrains qui ont choisi de rester français et par les mineurs qui viennent de diverses régions de France ou de l’étranger pour travailler dans les nouvelles mines.

C’est une génération qui travaille dur, à la mine comme dans les champs, et pour de longues journées de douze heures.

(Jean-Claude Bonnefont)

Une population complètement renouvelée : 1870-1910

Le développement de l’industrie minière lorraine ne s’est pas fait à l’aide de la population locale. Les fils des vignerons de Chavigny étaient trop peu nombreux et trop peu motivés pour répondre aux énormes besoins de main d’œuvre des mines, qui étaient encore très peu mécanisées et utilisaient le travail musculaire des hommes.

Les entreprises minières ont donc fait venir leur main d’œuvre de l’extérieur : soit de régions françaises où d’anciennes mines de fer ou de charbon avaient dû fermer, soit même de pays étrangers.

De nouveaux noms

La population de Chavigny se composait à cette époque de quatre groupes, entre lesquels l’entente ne régnait pas toujours. Il y avait d’abord les anciennes familles du pays, dont les enfants travaillaient rarement à la mine, elles s’agrandissaient par des mariages contractés dans des communes rurales des environs et n’avaient qu’un petit nombre d’enfants.

C’étaient, pour n’en citer que quelques-unes, vers 1870-80, et en tenant compte des gendres, les Toret, les Mangeot, les Collin, les Rousseaux, les Racadot, les Philbert, les Peltier, les Diss, les Lataye, les Babillon, les Voirand, les Paillier, les Leclère, les César, les Dévot, les Jeanson, les Aubert, les Bottin, les Duprey, les Ferry, les George, les Leheux, les Barroyer…

Parmi les nouveaux venus, il faut distinguer d’abord ce que l’on appelait la population « flottante »; c’étaient des mineurs célibataires, ou coupés de leur famille, qui allaient de mine en mine, en fonction des conditions d’emploi ; ils avaient mauvaise réputation, surtout quand ils étaient étrangers; on les accusait de chaparder dans les vignes et les jardins et de ne rien respecter du village que les anciens avaient fondé; mais ils dépensaient leurs salaires dans les cafés et chez les personnes qui les logeaient et contribuaient ainsi à la prospérité de tous.

D’autres célibataires, plus calmes, ou plus chanceux, ont contracté des alliances avec les familles locales. Ceux qui se sont le mieux intégrés étaient les Lorrains de la Meuse et des Vosges, les Alsaciens-Lorrains, qui ont été nombreux à Chavigny, les Luxembourgeois, les Belges et même des Allemands, qui avaient déjà travaillé dans d’autres mines de fer.

D’origine diverse

Citons parmi les Meusiens les Oury, parmi les Vosgiens les Gilet, parmi les Luxembourgeois les Noesen, les Salomon, parmi les Mosellans les Guedra, les Homher, les Christini, les Musquin, parmi les Allemands les Leistenschneider.

Tous n’étaient pas arrivés directement à Chavigny : ainsi, les Klein, originaires de Moselle, étaient passés par Mâcon. Un autre groupe, enfin, était formé par des migrants d’origine lointaine, qui ne restaient pas seuls, mais faisaient venir leur famille, leurs amis du même village ou des villages voisins. Ils se mariaient souvent entre eux et s’aidaient mutuellement à construire de nouvelles maisons, quand les anciens habitants acceptaient de leur vendre un terrain.

Dans les années 1870, les Italiens sont venus en grand nombre ; ils étaient originaires du Piémont, et souvent de villages où le français était encore parlé. Ils n’ont pas fait souche dans le pays, où ils étaient mal acceptés et sont partis après l’assassinat du président de la république Sadi-Carnot par un anarchiste italien en 1894.

En même temps qu’eux sont arrivés des mineurs de la Haute-Saône, qui avaient travaillé dans le bassin de Ronchamp, comme les Lurot, les Lassauge, plus tard les Belot, les Courquet, les Burette. Les Poisot sont venus de Haute-Marne. Un peu plus tard, vers 1890, ce furent des Savoyards, comme les Pernollet. Mais les plus nombreux de tous, jusqu’à la guerre de 1914, furent les « Auvergnats », qui venaient tous des montagnes de Haute-Loire, et qui ont formé une véritable colonie dans le bas du village.

Dans cette catégorie, il faut placer les Vermoyal, les Meunier, les Martin, les Dufieux, les Guerrier, les Forestie, les Bufferme, les Robert, les Celle, les Ouillon. Cet afflux massif de population a posé de nombreux problèmes à la commune : crise du logement permanente, difficultés pour assurer dans de bonnes conditions les services publics, et notamment l’accès à l’eau des fontaines, écoles surpeuplées, car les nouveaux venus avaient beaucoup d’enfants, contrairement aux anciennes familles. La vie municipale en a subi les contrecoups.

(Jean-Claude Bonnefont)

XXème siècle 
1900 : Le moulin à vent

Autrefois le plateau de Brabois était appelé « pleine de Chassey ». 

Au lieu-dit « Clair Chêne » ou « Fontaine Charlemagne », une source jaillissait naguère. Cette eau canalisée jusqu’au bord de la route alimentait une fontaine et la ferme de Monsieur de Brabois.

Vers les années 1900, la Société Minière du Nord-Est, en exploitant le sous-sol, avait coupé et détourné cette source, causant de ce fait un grave préjudice au sieur de Brabois, le privant entièrement d’un élément indispensable à l’exploitation de son domaine. De plus, ce point d’eau était signalé sur les cartes d’État-Major pour éventuellement abreuver les attelages de l’armée. 

À l’époque, un procès à grands retentissements fut intenté à la Société Minière par les intéressés (Brabois et les services de l’armée). La compagnie concessionnaire fut condamnée à restituer l’eau aux deux plaignants. Un puits de forage fut foncé à 25 m de profondeur, formant une galerie réservoir de 9,10m de longueur, 1,25m de largeur et 2,20m de hauteur ; et un moulin à vent fut érigé.

Ce système de pompage par éolienne a été doublé d’un manège à cheval ( lorsque le vent faisait défaut ); par la suite, un moteur électrique a été utilisé. Au début, l’arrivée d’eau était à peu près constante avec une hauteur de 9m dans la section maçonnée du puits (1,25m x 1,25m), ce qui donnait une réserve d’environ 35mètres/cube. Mais l’étendue de l’exploitation minière a fait peu à peu chuter l’arrivée d’eau de 9 à 1 m3/heure en 1967 selon les saisons. Aujourd’hui, le site est toujours alimenté par cette réserve qui s’est stabilisée à un niveau confortable.

L’ancienne ferme de Brabois était la première servie puisque les installations étaient dans son enceinte. 

Le moulin n’a plus d’ailes (le vent les lui a arrachées il y a bien longtemps), les abreuvoirs ont disparu mais l’arrêt de bus  » Moulin à vent  » n’aura plus de secret pour vous.

1910 : L’amputation douloureuse du territoire

La tension monte

La fin du XIXème siècle et dans les premières années du XXème, les relations se tendent entre les deux communes voisines de Chavigny et de Neuves-Maisons. Neuves-Maisons, à qui l’usine sidérurgique de la Haute Moselle procure d’importants revenus financiers, manque d’espace pour loger sa population ouvrière ; Chavigny possède une plus vaste superficie, mais manque d’argent pour fournir à ses nouveaux habitants les commodités auxquelles ils ont droit.

La tension se manifeste surtout à propos de la partie sud du territoire de Chavigny, où se trouve l’entrée de la mine du Val-de-Fer (celle qui a le meilleur avenir) et où, pour être plus près de leur travail, les mineurs se logent dans les nouveaux quartiers de la Tuilerie (environ 100 personnes) et de la Vieille Forge ( une cinquantaine).

En août 1902, de nombreux habitants de cette partie sud, qui s’estiment négligés, réclament dans une pétition à être rattachés à la commune de Neuves-Maisons, en se fondant sur deux arguments : ils doivent aller chercher à une fontaine de Neuves-Maisons l’eau potable que Chavigny ne leur fournit pas ; leurs enfants fréquentent l’école de Neuves-Maisons, de préférence à celle de Chavigny, qui est surpeuplée.

Le conseil municipal de Chavigny réagit naturellement très vigoureusement contre ce projet, comme l’atteste une délibération prise en 1904. Mais le préfet de Meurthe-et-Moselle est saisi et demande à la commune de se prononcer par une délibération motivée.

Plutôt que de se figer dans une opposition sans espoir, le conseil choisit en mars 1905 de demander un compromis sur la base d’une limite plus favorable que celle demandée, d’une indemnité financière et d’une reprise par Neuves-Maisons d’une partie de la dette contractée par la commune de Chavigny, au prorata des habitants transférés. Neuves-Maisons a beau jeu de répondre qu’à ce compte, il faut l’indemniser en sens inverse pour la part des bâtiments communaux indivis que les habitants transférés vont abandonner.

Les arguments s’affinent

Au fil des mois, les arguments de part et d’autre s’affinent peu à peu. Le conseil municipal de Neuves-Maisons en fait valoir cinq qui sont d’inégale valeur. Il est vrai que les habitants de la zone considérée participent peu à la vie communale de Chavigny, mais on peut remarquer que c’est de leur plein gré, car il existe en France beaucoup d’écarts qui sont plus éloignés du centre de leur commune. Il est vrai que les écoles de Chavigny ont été dans l’obligation de refuser des élèves, faute de place ; mais c’est une situation qui va changer, un agrandissement des locaux scolaires est prévu.

Il est vrai que les habitants de cette zone font inhumer leurs morts à Neuves-Maisons plutôt qu’à Chavigny, mais il n’y a pas lieu d’en tirer argument, c’est une ancienne habitude. Le point le plus critique est l’accès aux fontaines et aux lavoirs ; le conseil en rejette la responsabilité sur l’incurie des municipalités précédentes, mais promet qu’un effort sera fait en ce sens.

Enfin, s’il est vrai qu’au cours de l’enquête publique beaucoup d’habitants de cette zone se sont prononcés en faveur du rattachement à Neuves-Maisons, quelques-uns s’y sont tout de même montrés hostiles. La délibération souligne pour terminer la perte de revenus que subira Chavigny en perdant la localisation d’une mine en pleine expansion.

Au début de 1907, un dernier argument est avancé : il n’y a eu aucune discrimination de la commune de Chavigny envers ces habitants mécontents, puisqu’ils sont toujours touchés régulièrement leur part d’affouage !


Le dénouement et ses conséquences 

La situation n’évolue guère au cours des années suivantes. Chavigny a certes ajouté une classe à l’école de garçons, mais son projet de construction d’un nouveau lavoir n’est pas encore concrétisé en septembre 1909. La municipalité campe sur ses positions en continuant à défendre une concession territoriale minimale, la nouvelle limite devant passer par le sentier de la Greffière et le ruisseau de Presle, descendant à l’ancien moulin. Mais à la suite d’une nouvelle enquête, cette proposition n’est pas retenue par le commissaire enquêteur, qui choisit une nouvelle limite donnant pleinement satisfaction à Neuves-Maisons.

Le préfet hésite encore. Mais en juin 1910, une lettre du président du Conseil en personne le presse de conclure. La municipalité de Chavigny a beau rassembler une dernière fois ses arguments, faire valoir que le tramway nouvellement créé permettra maintenant aux habitants de cette partie marginale de la commune de se rendre plus facilement au centre, ce n’est plus qu’un inutile baroud d’honneur. Le décret du 10 décembre 1910 fixe les nouvelles limites des deux communes voisines.

Chavigny perd une partie de la section dite Sous la Roche, avec notamment le bois de Chanois et la Vieille Forge, et une partie de la section dite en Mommelier, avec la totalité du vallon du Val-de-Fer. Cela représente au total une amputation de 87 ha sur un territoire qui en comportait 775.

Les autres conséquences pour Chavigny ont été une perte de revenus difficile à chiffrer et une brisure de l’élan démographique continu qui avait été celui de la commune depuis un demi-siècle. La population communale, qui était montée à 1243 habitants en 1906, est tombée à 1144 lors du recensement de 1911, effectué dans les nouvelles limites.

La colonie de vacances de la Forestière

Vers 1932, Alphonse Wagné, ingénieur des aciéries de Neuves-Maisons entreprend avec des ouvriers de l’atelier central la construction d’une des premières colonies de vacances pour les enfants des environs, à l’extrémité du plateau de Brabois. 

René Legrand, directeur de l’école de garçons du Centre à Neuves-Maisons, sera directeur de la colonie, Alphonse Wagné, chef des travaux. 

Encadrés par des moniteurs, pour la plupart enseignants, les enfants respireront l’air pur de la forêt, s’initieront à la vie d’équipe, pourront pratiquer des sports, partir en randonnée et pique-nique, s’exercer aux travaux manuels, chanter, danser, pratiquer des jeux de société, se détendre. 

À l’époque, le tramway desservait cet endroit idyllique. il n’y avait pas la pollution routière d’aujourd’hui. C’est une des premières colonies de vacances de France, elle a été inaugurée avec faste par le Président de la République Albert Lebrun en 1935. 

À partir de 1946, l’usine proposa des séjours de vacances à la mer et à la montagne. Les installations changèrent de vocation et furent louées à la famille Séguin qui occupa les lieux jusqu’en 1988. 

Abandonnée, l’ancienne colonie a été pillée et saccagée. La bâtisse se révéla vite être une zone insalubre et dangereuse (amiante, etc.) qui amena la municipalité à imposer à la nouvelle propriétaire des lieux (depuis 1970) la démolition complète des ruines en 2004. 

Cette bâtisse, pour le moins originale avec ses colombages, avait un cachet bien particulier. Photographiée par de nombreux promeneurs, croquée par les élèves d’arts appliqués du lycée Loritz, on la retrouve aussi dans plusieurs pages d’un album du dessinateur de BD, Baru.

Chavigny en 1914 

Pour bien mesurer les bouleversements qui se sont produits après la Grande Guerre dans la vie du village et de ses familles, il est bon de faire le tableau de ce qu’était Chavigny en 1914.

 Le territoire de la commune avait été réduit à 688 hectares, du fait de l’attribution à Neuves-Maisons, en 1910, de la partie sud du village (75 ha), qui comprenait la Vieille Forge et le Val de Fer. De ce fait, la population était tombée de 1243 à 1144 habitants au recensement de 1911.

Cette amputation avait été le résultat d’un long conflit, dont l’issue était connue d’avance : la commune de Neuves-Maisons, appuyée financièrement et politiquement par l’usine de la Haute Moselle, pouvait assurer à ces habitants trop éloignés du centre de Chavigny, en matière d’école ou de distribution d’eau, des prestations que la commune de Chavigny était incapable de leur offrir. Cette décision imposée par les pouvoirs publics, a laissé longtemps beaucoup d’amertume dans l’esprit des habitants. 

Le maire en 1914 est toujours Jean-Baptiste Aubert, élu en 1908, réélu en 1911 et 1912. Il a pour adjoint Pierre Vermoyal. Le conseil comprend au total douze membres. Le maire est assisté d’un appariteur (Claude) et d’un garde champêtre (Hector, qui vient de remplacer George). Le lieutenant Salomon dirige les pompiers. Le village en 1914 compte deux écoles. M Bertrand assisté d’un adjoint, fait la classe aux garçons, derrière l’ancienne mairie ; Mle Ducret, qui a aussi une adjointe, s’occupe de l’école des filles, dans l’actuelle mairie, où Mme Chambonnet accueille en outre les plus petits dans une garderie. M. Bertrand est secrétaire de mairie et responsable de la société de tir scolaire et post-scolaire, qui a beaucoup de succès, en ces années où l’on prépare la « revanche » sur l’Allemagne.

Commerçants et artisans en 1914 

Les commerçants sont nombreux. Ce sont surtout, d’après l’Annuaire de Meurthe-et-Moselle de 1913, des aubergistes, cafetiers et restaurateurs, qui sont au nombre de treize : Chalaye (J et J.Nic.), Péquignot à la Brasserie de la Belle Vallée, Guerrier, Pillot, Mion, Bufferne, Mangin, Poisot, veuve Gillet, Perrnollet, Benoît au café de la Gare, Raoux au café de la Cascade.

Les habitants peuvent faire dans le village tous leurs achats courants : on y trouve un boucher (qui s’appelle Boulangé!), un boulanger (Marchal), un buraliste (Babillon), deux coiffeurs, un cordonnier et six épiceries, qui vendent aussi des articles de ménage (Marchal, Clément, Mangeot, l’épicerie « rouge », un succursaliste et les Coopérateurs).

L’artisanat est représenté par deux forgerons (Pillot, Babillon) et trois menuisiers (Mangeot, Viard, Poisot). Il ne reste que quatre vrais agriculteurs : Aubert, Bottin, Lataye et Rousseau, mais sept habitants se disent encore viticulteurs. Aucun médecin n’habite le village, mais il y a une sage-femme, Mme Morel.

Le quotidien

Chavigny est desservi par le tramway électrique, mis en service en 1911. Mais rares encore sont ceux qui en profitent pour aller travailler à Nancy. Les mineurs se répartissent toujours entre la mine du Val-de-Fer et les autres mines, qui ne seront définitivement fermées qu’à la suite de la guerre. Les 179 maisons sont presque toutes alignées le long de la rue principale. Les seules rues adjacentes sont celles des Ecoles, de la Rosière, du Pressoir, du Bouchot, du Presbytère et il existe deux écarts : la Tuilerie et la Forestière.

Les relations entre la municipalité et la paroisse, qui avaient été très mauvaises, se sont améliorées avec l’arrivée de l’abbé Paul Birckel en août 1907. M Marcel Mangeot nous a procuré un document, daté du 16 septembre 1907, qui change l’interprétation que nous avions donnée dans le précédent bulletin de la location du presbytère à son grand-père Maxime Mangeot : ce dernier, qui a reçu l’autorisation de sous-louer, n’était que l’intermédiaire entre la commune et l’abbé Birckel, son sous-locataire; et le maire était parfaitement au courant de cet arrangement destiné sans doute à «sauver la face» de la municipalité, puisque la signature de l’abbé Birckel figurait, comme caution, au contrat de location !

Le nouveau curé a donc pu s’installer au presbytère sans délai. Sous l’impulsion de l’abbé Birckel, le patronage Saint Blaise monte avec les jeunes gens du village des spectacles de théâtre.

(Jean-Claude Bonnefont)

Chavigny entre 1914 et 1918

Les années de la Grande Guerre ont été pour les familles de Chavigny des années de deuil et de privations, tandis que faute de moyens, la vie municipale se déroulait au ralenti. 

Sur les douze conseillers composant le conseil, six sont mobilisés, parfois sur place, comme « affectés spéciaux », mais souvent retenus à l’usine pour des travaux urgents : le nombre des présents aux séances oscille pendant toute la guerre entre 4 et 6. Le maire en 1914 est Jean Baptiste Aubert. Lorsqu’il présente sa démission, en janvier 1915, le préfet nomme un conseiller municipal délégué pour faire fonction de maire : il s’agit de Jules Paillier. Par la suite, la situation s’est normalisée, et c’est le premier adjoint, Pierre Vermoyal, qui a fait fonction de maire à son tour. 

Lors des premiers mois de la guerre, la menace allemande est toute proche, et Chavigny se trouve dans la « zone des armées ». Le conseil municipal, dont la moitié des membres sont sous les drapeaux, doit se contenter de faire connaître et d’appliquer les décisions de l’autorité militaires et d’expédier les affaires courantes.

Guerre et retombées financières

Il faut notamment gérer les pénuries alimentaires, secourir les familles nécessiteuses et délivrer des laissez-passer aux personnes qui désirent se déplacer. La municipalité sert aussi d’intermédiaire pour les réquisitions d’hommes et de chevaux, comme celles qui, en août 1914, ont pour but la mise en état de défense du Fort de Pont-Saint-Vincent.

Les finances communales sont obérées à la fois par les dépenses exceptionnelles dues à la guerre et par l’absence de certaines recettes, comme celles tirées de la forêt. Si l’équilibre du budget est maintenu, c’est parce que l’on renonce à tout nouvel investissement. On reporte systématiquement tous les travaux, que la pénurie de main d’œuvre et la hausse des matières premières rendraient trop coûteux, avec l’espoir de les faire lorsque la paix sera revenue.

Les principales dépenses imputables à la guerre sont des mesures sociales, au profit de différentes catégories d’ayants droit. Le conseil vote des aides aux familles nombreuses, aux femmes en couches, aux enfants dont le père est sous les drapeaux, aux parents infirmes dont le fils est mobilisé, puis aux veuves avec enfants dont le mari est tombé à la guerre. Les seules dépenses auxquelles on ne touche pas sont les dépenses scolaires.

Le quotidien pendant la guerre

Lorsqu’à partir de 1915, le danger d’une attaque allemande imminente semble passé, le conseil municipal revient à des débats plus traditionnels. Il s’occupe longuement de la création d’un atelier de bouilleur de cru, pour la distillation des mirabelles. Mais c’est surtout la forêt qui fait l’objet de longues délibérations. La coupe affouagère de 1914 n’a pu être délivrée, en raison des circonstances, mais à partir de 1915, on reprend le rythme annuel de son exploitation.

Les militaires ont fait beaucoup de dégâts dans la forêt : ils ne se sont pas contentés de ramasser tout le bois mort, ils ont aussi coupé sans permission des arbres dans des coupes qui ont ainsi perdu une partie de leur valeur, comme on le constate en 1918. En outre, l’armée ne paie que 14 francs des stères de bois de chauffage qui, sur le marché libre, en valent 38 ! On veut bien faire des sacrifices pour la défense de la patrie, mais cela n’empêche pas de protester !

La municipalité accorde plus facilement son autorisation lorsqu’à plusieurs reprises, à partir de septembre 1915, le directeur de la Mine de la Fontaine des Roches demande à ouvrir dans la forêt communale, puis à étendre, des carrières destinées à l’empierrement des routes militaires. Il s’agit en effet de surfaces peu productives et difficiles à exploiter.

Les conséquences de la guerre ont été considérables sur le plan démographique: un grand nombre de jeunes adultes ont été tués, soixante-dix noms sont inscrits sur le monument aux morts de la commune; d’autres, qui avaient vécu au loin pendant les années de conflit, ont pris de nouvelles habitudes et ont quitté définitivement le village. Ils ont été progressivement remplacés par une population nouvelle mais l’essor démographique antérieur a été complètement cassé.

Les années de l’entre-deux guerres ont été une période de calme, de stagnation et d’adaptation aux conditions économiques nouvelles d’après 1918.

La vie municipale de 1919 à 1929

Après la fin de la guerre, lannée 1919 est une année de transition. Le conseil municipal ne retrouve pas immédiatement son effectif complet, car le retour des hommes mobilisés ne se fait que peu à peu. Pierre Vermoyal et Jules Paillier président le conseil à tour de rôle, jusqu’à l’entrée en fonction d’une nouvelle équipe, le 10 décembre 1919. 

Les questions dont s’occupe le conseil au cours de cette année sont toutes relatives à la liquidation des séquelles de la guerre. 

La nouvelle équipe municipale de décembre 1919 est profondément rajeunie et renouvelée. Elle élit comme maire un homme expérimenté, déjà membre de la municipalité sortante, Auguste Richard. Son adjoint est Emile Lassauge. Les principaux propriétaires n’y sont pas représentés.

C’est une municipalité ouvrière, dont tous les membres travaillent, ou ont travaillé, à la mine ou à l’usine.Cinq conseillers seulement sont nés à Chavigny : Auguste Richard, Henri Toret, Joseph Klein, Charles Caraux, Emile Lassauge. Un vient de Ludres : Georges Brisach. Les six autres proviennent de différentes régions françaises : Louis Lamy, Jean Paysal, Jean Loste, Alexandre Bégeot, Auguste Poisot, Victor Barbier.

Entre souvenir… 

La guerre est encore présente dans toutes les mémoires. L’initiative prise en 1919 par un comité indépendant d’édifier un monument aux morts de la commune est relayée à point nommé par une importante subvention municipale, car le coût de sa réalisation s’est révélé plus cher que prévu et la souscription lancée auprès des habitants n’a pas produit la somme espérée.

Le monument, qui se trouvait sur la place près de l’ancienne mairie, et non à son emplacement actuel, est inauguré solennellement le 6 octobre 1925, dans les premiers mois de la seconde mandature d’Auguste Richard.

Mais il faut bien que la vie reprenne. La fête de saint Blaise est rétablie en février 1920. La ligne de tramway recommence à fonctionner, mais avec une nouvelle compagnie : la Compagnie générale française de tramways (CGFT) remplace avec un matériel modernisé la Compagnie de tramways suburbains. La rue principale est dotée pour la première fois en 1924 de lampadaires pour l’éclairage public.

A la cabine téléphonique, transférée dans une maison proche de la mairie de l’époque, s’est ajoutée en 1918 une agence postale. Mais la question de l’alimentation en eau potable ne fait guère de progrès, même si l’on installe de nouvelles fontaines aux deux extrémités du village.

Les relations de la municipalité avec la paroisse restent froides. Même si l’abbé Birkel a obtenu en 1919 l’autorisation d’adjoindre à ses frais à l’église paroissiale, pour les besoins du catéchisme, une petite salle annexe (la salle Saint Paul, aujourd’hui disparue), la municipalité continue à louer l’ancien presbytère à des particuliers, comme elle l’a fait depuis 1913.

On décide en 1922 d’installer une horloge sur le clocher de l’église, mais on interdit à l’abbé Birkel d’exécuter des travaux qui auraient transformé et sans doute défiguré l’aspect intérieur de l’église. L’équipe sortante est reconduite aux élections de mai 1925, mais après un important remaniement. Auguste Richard, Henri Toret, Joseph Klein, Georges Brisach, Louis Lamy, Jean Paysal et Auguste Poisot restent en place, mais cinq nouveaux font leur entrée : Lucien Richard (sans lien de parenté avec le maire), Louis Barroyer, Joseph Loux, Gabriel Despinasse, Théophile George. Auguste Richard est réélu maire pour un second mandat, mais cette fois il a comme adjoint Henri Toret.

…Et retour à la vie normale

Le bilan de cette seconde mandature paraît moins riche que celui de la première. On ne relève que peu d’initiatives nouvelles, et les idées émises ne sont pas suivies d’effet, comme l’installation d’un éclairage au gaz dans la commune en 1928. On décide tout de même un agrandissement du cimetière, qui ne pourra être réalisé qu’au cours de la mandature suivante.

Les relations entre la commune et l’usine de Neuves-Maisons sont forcément bonnes : elle ne peut pas entrer en conflit avec l’employeur presque unique de la population. Mais la municipalité cherche toutes les occasions de faire payer la Compagnie minière du Nord et de l’Est, qui est en voie de cesser son exploitation, pour les dégâts dont elle l’estime responsable. On l’accuse par exemple de déverser trop d’eau d’exhaure dans l’aqueduc qui draine les eaux du village et de faire courir le risque d’une inondation. L’idée que ces eaux d’exhaure puissent être utilisées pour l’alimentation de la commune n’est encore venue à l’esprit de personne.

Les relations avec la paroisse se normalisent en 1927, lors de l’arrivée d’un nouveau desservant, l’abbé Fernand Doppler, qui est autorisé à reprendre place dans l’ancien presbytère. Les questions religieuses, qui ont longtemps alimenté les rivalités politiques, passent au second plan devant les questions sociales, que la crise de 1929 va rendre très préoccupantes.

(Jean-Claude Bonnefont)

La vie municipale dans l’entre-deux guerres

À première vue, l’entre-deux-guerres nous apparaît comme une période de longue stagnation, voire de déclin. La population du village ne progresse plus, mais recule au contraire d’environ 14 % entre le recensement de 1911, où elle atteignait 1144 habitants, et celui de 1936, où elle est tombée à 985. 

Les pertes humaines de la guerre de 1914-1918, qui ont privé le village d’une partie de ses hommes les plus jeunes, ont certes beaucoup joué, mais ne sont pas la seule explication de ce recul, puisqu’en 1921 une reprise démographique paraissait s’amorcer, avec une modeste hausse à 1164 habitants.

L’autre grand facteur du déclin a été la crise économique, qui a sévi de manière très grave au début des années 1930. Lors des premières années qui ont suivi la guerre, on a pourtant vécu une période d’euphorie trompeuse. La sidérurgie française profitait des besoins de reconstruction et de l’anéantissement de sa concurrente allemande.

La fermeture des petites mines, le déclin de celle de Chavigny, qui a finalement fermé en 1932, étaient largement compensés par l’expansion rapide de la mine du Val de Fer et de l’usine de Neuves-Maisons, qui fournissaient un emploi direct aux trois-quarts de la population active. Mais avec la fin de la reconstruction, la renaissance d’une sidérurgie allemande modernisée et la crise économique mondiale de 1929, la prospérité initiale a été remplacée par un long marasme.

Ces années de crise ont eu des effets différents sur les différentes composantes de la population. L’immigration du travail s’étant tarie, il n’y a plus eu d’apport extérieur nouveau. Les familles mal fixées, souvent les plus récemment arrivées, ont été tentées de quitter Chavigny, dans l’espoir de trouver du travail ailleurs ou pour revenir dans leur pays d’origine. Les familles de mineurs et d’ouvriers métallurgistes déjà bien fixées ont eu tendance au contraire à s’enraciner davantage, consacrant une partie de leur énergie à produire elles-mêmes leur alimentation et à cultiver les quelques terrains, qui étaient leur seule assurance anti-chômage.

Ce ré-enracinement des ouvriers arrivés dans les années 1880-1910 est particulièrement sensible pour les « Auvergnats », que plus grand-chose maintenant ne distingue des anciens habitants, dont ils ont adopté le mode de vie. Il se traduit par le fait que plus de 40% des ménages sont maintenant propriétaires d’au moins une parcelle du sol de la commune. C’est ce que l’on peut constater en comparant la liste des habitants au recensement de 1936 avec celle, établie au même moment, de ceux qui, pour bénéficier du privilège des « bouilleurs de cru », c’est-à-dire pouvoir distiller leurs mirabelles en franchise de droits, doivent posséder au moins un verger sur le territoire communal.

Tout cela se traduit évidemment par le fait que le périmètre du village reste inchangé, ou peu s’en faut. On ne construit plus d’habitations qu’au compte-goutte et fait significatif, on dénombre au recensement de 1936 plusieurs maisons inoccupées, ce qui aurait été impensable dans les premières années du siècle.

Malgré ce que nous venons de dire, il ne s’agit pas d’une société totalement figée, et la mobilité démographique reste grande et prend des formes nouvelles. L’émigration succède maintenant à l’immigration. La guerre a élargi les horizons, comme on le constate dans les nombreux mariages des années qui ont suivi la guerre. Les hommes ont voyagé dans des pays nouveaux, les femmes ont été appelées à prendre des responsabilités et à exercer des métiers nouveaux, elles ont rencontré des militaires ou des travailleurs qui venaient d’ailleurs. Il ne faut donc pas s’étonner si une proportion notable des mariages se fait avec des conjoints de régions éloignées et certains de ces couples vont s’établir au loin.

Le tramway avait permis à de jeunes Chavinéens des deux sexes d’aller travailler à Nancy. Cette facilité existe toujours, mais on utilise surtout le tram pour les achats en ville et pour les loisirs. Ceux et celles qui allaient travailler tous les jours à Nancy, qui côtoyaient des collègues nancéiens et qui étaient à même d’apprécier les commodités de la vie à Nancy ont souvent fait le choix d’habiter en ville et de s’y marier. Cet exode des jeunes adultes contribue à réduire la croissance démographique, malgré la chute spectaculaire du taux de la mortalité infantile et le maintien d’une bonne natalité jusque vers 1930.

Inversement, l’influence de Nancy se traduit aussi par une modernisation lente, mais continue, de la vie au village. Les dommages de guerre et les crédits disponibles sont appliqués à l’aménagement des rues, à l’extension de la distribution d’électricité et à l’éclairage public, à la canalisation des eaux courantes et à l’amélioration du cadre de vie dans les écoles, où les effectifs des classes sont revenus à des niveaux plus raisonnables. Le village s’efforce de faire bonne figure sous le regard des nombreux visiteurs que le tramway amène chaque semaine pour une promenade au grand air ou pour s’amuser dans les « guinguettes » qui s’efforcent de les attirer.

(Jean-Claude Bonnefont)

La vie municipale de 1939 à 1946

Il n’était évidemment pas question d’organiser des élections pendant la période de guerre. C’est la raison pour laquelle la municipalité d’Alphonse Jeanson, élue en 1935, a vu son mandat prolongé jusqu’à la Libération.

Malgré les absences et les défections, le conseil a continué à se réunir régulièrement pendant les années de guerre, à l’écoute des besoins de la population.

Comme on peut le deviner, la rareté des autres combustibles a fait que le bois est devenu un bien très précieux. On dresse le 30 novembre 1940 une liste de 336 « affouagistes » ; parmi eux, les boulangers reçoivent une attribution spéciale de « charbonnette » pour cuire leur pain. En 1944, les choses se passent mal.

Si certains affouagistes ont pu enlever le bois qu’ils avaient façonné, cela n’a pas été le cas des vieillards, des veuves, des femmes de prisonniers qui, faute de moyens de transport, ont dû le laisser dans la forêt, où il a été volé par l’armée américaine. Le préfet propose d’attribuer en compensation aux habitants les chablis provenant de bois mitraillés au canton de Champelle.

Faute de matériaux et de main d’œuvre, on doit se contenter de réaliser les travaux les plus urgents : par exemple la consolidation du clocher de l’église et la réparation de l’escalier du perron. Mais il est un projet qu’Alphonse Jeanson entend bien mener jusqu’à son terme : celui de l’adduction des eaux d’exhaure de la mine Steinbach.

Le projet établi par le Service des Ponts et Chaussées est adopté par le conseil municipal dans sa délibération du 5 octobre 1940. Il comprend une galerie de captage située au fond de la mine, deux réservoirs permettant le stockage temporaire de l’eau et un réseau de distribution suivant les rues du village.

Le préfet pousse à la réalisation des travaux d’adduction, car il y voit un moyen de lutter contre le chômage. Les subventions accordées permettent de financer une grande partie du projet, mais la commune doit tout de même emprunter 868 400 francs, sur trente ans, à 3 %, auprès de la Caisse des dépôts et consignations, avec un différé d’amortissement de trois ans.

L’interruption forcée des travaux, en novembre 1942, plonge la commune dans une situation très difficile : il faut commencer à rembourser l’emprunt alors que les recettes attendues de la vente de l’eau ne sont pas encore réalisables !

Cependant, Alphonse Jeanson n’a pas atteint le terme de son mandat. Il est mort de maladie en novembre 1944 et c’est son adjoint, Eugène Lamotte, qui a assuré l’intérim jusqu’aux élections d’avril 1945.

Réuni pour la première fois le 20 mai 1945, le nouveau conseil est très différent du précédent. Outre le rajeunissement de ses membres, la grande nouveauté est la présence pour la première fois de deux femmes : Lucienne Leclère née Jacob et Olga Lurot, née Léger.

Les autres membres, que les plus âgés d’entre nous ont bien connus, étaient Louis Ceretto, Auguste Duhant, Roger Lacour, Marcel Lurot, Jean Meunier, Albert Musquin, Léon Oury, Jean Poisot, Charles Roch et Jean Vieillot.

L’élection du maire a été très ouverte. Jean Meunier n’a été élu maire qu’au deuxième tour, avec 7 voix sur douze. L’élection de l’adjoint a été encore plus serrée : Auguste Duhant n’est passé qu’au troisième tour, lui aussi avec 7 voix.

Au cours des premières années de cette nouvelle municipalité, le conseil doit se contenter de réparer les séquelles de la guerre. Les conditions de vie des habitants restent difficiles, en raison de la hausse importante du coût de la vie et du maintien des restrictions alimentaires.

Le conseil s’occupe d’organiser les affouages et s’efforce de moderniser les écoles : on repeint l’école des filles et on aménage des cabinets à l’école de garçons !

La principale décision est celle qui consiste à nommer un nouveau garde champêtre, chargé de la police rurale, car tous les anciens avaient été licenciés. Le conseil propose le maintien dans cette fonction d’Hippolyte Courquet, qui l’exerçait depuis 1934. Mais le préfet rejette cette nomination, au motif que le candidat est trop âgé. Le choix du conseil se porte le 28 mars 1946 sur un ancien militaire, Roger Christini.

L’autre décision importante est la réfection du Monument aux morts, où l’on inscrit les noms des personnes tuées pendant la deuxième guerre mondiale. Le Comité qui est chargé de cette tâche comprend, outre le maire, les directeurs d’école, M Smouts et Mme Dupoux, le curé Louyot, qui a été déporté à Dachau, et plusieurs anciens combattants et prisonniers de guerre.

Les pourparlers reprennent au début de 1947 avec l’administration des Ponts et Chaussées pour relancer les travaux d’adduction d’eau, mais il faudra attendre encore plusieurs années, et l’élection en 1947 d’une municipalité très dynamique, avant qu’ils soient réalisés.

(Jean-Claude Bonnefont)

Chavigny pendant la seconde guerre mondiale (1939-1945)

La guerre a été pour le village une rude épreuve. Lors de l’avance des Allemands, en 1940, plusieurs familles ont vécu l’aventure de l’exode : Marcel Mangeot se souvient d’être parti en vélo, avec son frère et son père qui, affecté spécial à l’usine, avait reçu une nouvelle affectation à une usine de Montluçon. Ils n’ont pu arriver à destination, les Allemands leur ayant coupé la route.

Leur retour au village, qui a pris une semaine, a été particulièrement difficile : le pont de Pont-Saint-Vincent avait sauté et ils ont dû traverser la Moselle sur le pont du chemin de fer, dont deux arches avaient été détruites et dont les rails pendaient dangereusement dans le vide. La plupart des habitants qui étaient partis comme eux sont revenus plus ou moins vite à Chavigny et les hommes qui avaient été mobilisés ont été démobilisés progressivement au début de l’été 1940.

C’est alors qu’on a constaté qu’un grand nombre d’entre eux avaient été faits prisonniers : ils étaient au nombre de 27 sur une liste fournie par l’administration en avril 1943. Il y a eu aussi des morts : dix-sept noms de tués au combat, de résistants fusillés ou de victimes civiles de la guerre figurent au monument aux morts de la commune. Après avoir augmenté légèrement, du fait des citadins qui étaient venus chercher refuge au village, la population n’a cessé de décroître pendant les années de guerre, en raison d’un excès régulier des décès sur les naissances que l’absence des prisonniers et la peur du lendemain maintenaient à un niveau très bas. Il n’y avait plus que 882 habitants dans la commune au recensement de 1946.

Ceux qui ont vécu cette époque difficile se souviennent des réquisitions, des restrictions alimentaires, des cartes de rationnement en pain, en viande et en denrées diverses, des alertes aériennes, pendant lesquelles la population courait se réfugier dans le tunnel, dans l’entrée de la mine ou dans des caves. La solidarité s’exerçait envers les prisonniers, à qui l’on envoyait des colis, mais aussi envers les familles privées de ressources du fait des circonstances.

Le maire Alphonse Richard, l’instituteur M Legrand et le curé, l’abbé Thomassin, qui avait fait la guerre comme officier, fraternisaient dans le comité d’aide aux prisonniers, qui organisait des spectacles. La gestion des cartes de rationnement, des allocations militaires aux ayants droit des mobilisés ou prisonniers, les aides sociales diverses et les contrôles tatillons mis en place à la demande de l’occupant avaient obligé la commune à employer à plein temps le secrétaire de mairie, M Daval, qui l’était jusque-là à mi-temps.          

Les séquelles de la guerre

Bien que préservé dans l’ensemble, le village n’a pas été complètement épargné par les destructions matérielles.

Le 15 août 1944, Simone Klein se souvient d’avoir été obligée de se réfugier chez des voisins, à cause d’un bombardement, alors qu’elle descendait à l’église. Les Américains se trouvaient alors sur la Moselle, à Pont-Saint-Vincent, les Allemands étaient retranchés au Fond de Renauvau avec des mortiers et ils échangeaient des tirs, dont certains ont touché le village. Simone Klein parle d’un obus tombé près de sa maison, qui n’a pas explosé.

Marcel Mangeot atteste qu’un autre a endommagé la maison de sa grand-mère, au 27 rue de Nancy et qu’un troisième a fracassé un cerisier chez M. Lhoste, aux actuels Castors. Les Allemands ayant dû finalement se replier, les Américains ont fait leur entrée dans le village. Andrée Douchet, interrogée par M Chevrier, lui a décrit l’arrivée d’un long convoi d’une vingtaine de camions de ravitaillement américains, tous surmontés d’une tourelle, escortés par des jeeps, qui venaient apparemment de la gare de Chaligny. Mais les principales destructions ont été postérieures à la libération du village.

Le 1er mars 1945, un camion chargé d’essence, dont les freins avaient lâché dans la descente de la route, est venu percuter la façade de la ferme Aubert, proche de l’église. Simone Klein nous a raconté comment Maxime Michel, passant près de là, avait entendu les appels au secours de la famille Barthélemy, qui habitait la maison ; il a fallu les sortir par une petite fenêtre donnant sur l’église. L’essence enflammée s’écoulant dans la rue a brûlé la façade de plusieurs maisons. Marcel Mangeot se souvient qu’elle avait aussi pénétré dans les égouts, dont les plaques explosaient l’une après l’autre, jusqu’à la Croix de Mission.

Les façades des maisons ont été reconstruites, parfois à un nouvel alignement, mais la ferme ne l’a pas été, ce qui a permis d’agrandir la place de l’église. Cette dernière est donc formée d’une partie de l’ancien cimetière, du passage étroit qui conduisait à la fontaine, de l’emplacement de la ferme brûlée et de l’emprise du bâtiment Friedrich, qui a été démoli plus récemment.

Cet accident ne doit pas être confondu avec un autre, qui a fait heureusement moins de dégâts : un camion Dodge chargé de jerricans d’essence dont le chargement explosait dans la descente du chemin de Châtel.

(Jean-Claude Bonnefont)

Chavigny de 1947 à 1951

Une municipalité instable et encore flottante

Lors du premier tour des élections municipales, le 19 octobre 1947, 4 membres de l’ancien conseil municipal sont réélus : Marcel Lurot, Jean Poisot, Albert Musquin, Léon Oury, le cinquième élu étant Marcel Gauthier. Mais au deuxième tour, qui a lieu le 26 octobre, le renouvellement est très net : les deux seules élues de l’ancienne équipe sont les deux femmes, Lucienne Leclère Jacob et Olga Lurot, tandis que six membres nouveaux entrent au conseil : Raymond Mangenot, Léon Homehr, Raymond Héras, Fernand Morel, Théodore Lataye et Lucien Leclère. Lorsque le conseil se réunit pour la première fois, le 31 octobre 1947, il élit comme maire Marcel Gauthier et comme adjoint Raymond Héras. Mais, pour raison de santé, Marcel Gauthier doit donner sa démission et le 24 juin 1948, il est remplacé par Robert Héras ; Albert Musquin est alors élu premier adjoint.

Parallèlement, l’équipe des employés municipaux est restructurée et étoffée. Jusqu’ici, la police municipale était considérée comme la fonction prioritaire, puisque la commune employait deux gardes champêtres, Roger Christini et Jean Ayel ; tout en gardant leurs fonctions, ils seront en outre chargés de l’entretien de la voirie, venant ainsi en renfort de l’unique cantonnier, Louis Matisse, qui s’occupera spécialement du cimetière, des fontaines et de l’enlèvement des ordures ménagères. Deux femmes de ménage, à temps partiel, et un électricien, René Mourot seront employés à l’occasion. Roger Daval reste momentanément à la tête d’un secrétariat de mairie, chargé du bureau de bienfaisance et de la gestion des tickets de rationnement.

Mais il est loin de donner satisfaction, il s’entend mal avec la municipalité et il tombe malade au début de l’année 1950. Sa démission est acceptée le 15 avril 1950 et le 1er novembre 1950, on nomme Marcel Richard à ce poste, sur lequel son épouse, Andrée Solny, avait assuré, sans doute nominalement, l’intérim.

Un nouveau rebondissement intervient en 1951. A la suite des démissions du maire, de l’adjoint et d’un conseiller municipal, acceptées par la préfecture le 17 avril 1951, il est procédé à des élections complémentaires. Celles-ci aboutissent le 26 mai 1951 à l’élection d’un nouveau maire, Lucien Leclère. L’adjoint est Marcel Lurot. C’est le début d’une longue période de stabilité, puisque Lucien Leclère restera 16 ans à la tête de la commune, de 1951 à 1977.

L’achèvement des travaux d’adduction d’eau

C’était la priorité de la nouvelle équipe. L’ancienne était entrée dès le début de l’année 1947 en relation avec les Ponts et Chaussées pour relancer les travaux. Mais le nouveau conseil, lors de sa séance extraordinaire du 6 décembre 1947, énonce clairement quelle est l’urgence du projet : l’enjeu en est la sécurité des habitations, en cas d’incendie, l’hygiène des habitants et la salubrité publique.

Un deuxième emprunt de 3 millions est contracté à cet effet auprès du Crédit Foncier le 5 août 1948. Les travaux effectués entre l’automne 1948 et le printemps 1949 consistent principalement à compléter l’installation du réseau et les branchements des particuliers. Ils sont assez avancés en mai 1949 pour qu’on se préoccupe d’acheter un nouveau matériel de lutte contre l’incendie.

En juin 1949, on traite avec la société Dégremont pour la stérilisation de l’eau à distribuer. Mais il reste encore bien des travaux à accomplir en amont. On règle seulement le 1er décembre 1949 le coût des travaux de captage de l’eau d’exhaure au fond de la mine : la société Bertolini, avec qui on a passé contrat le 18 juin 1949, a fait état d’un surcoût dû à la difficulté du percement des couches de minerai de fer et aux dangers inhabituels de ce chantier.

La station d’épuration de l’eau n’est pas encore opérationnelle: le conseil demande le 18 février 1950 pour la réaliser l’attribution d’une subvention et doit se résoudre à voter le 10 juin suivant une imposition exceptionnelle, pour participation des habitants aux frais d’installation de l’eau.

On peut enfin voter le 21 avril 1951 le prix des concessions d’eau. Mais tout n’est pas encore tout à fait terminé : on décide seulement en janvier 1952 de raccorder au système de distribution général l’école de filles et le presbytère, qui avaient leur propre alimentation. Il aura donc fallu au total douze ans pour faire aboutir complètement ce grand projet !

Le projet du nouveau groupe scolaire

Sa nécessité est bien reconnue, mais les intentions du conseil municipal restent floues et trop ambitieuses. Il est question le 6 décembre 1947 d’un ensemble de bâtiments qui comprendrait une école de filles, une école de garçons, la mairie et les services annexes. C’est encore bien vague.

Le projet présenté le 2 février 1950, à l’occasion de l’achat du terrain nécessaire, paraît plus réaliste. On expose que le nombre des enfants scolarisables atteint 167, alors qu’on ne dispose que de 120 places dans les 4 classes existantes. On n’envisage plus de créer que deux classes supplémentaires et deux logements pour le personnel enseignant. Il ne s’agirait en fait que d’une extension de l’école de garçons existante, puisque le terrain proposé est attenant à la mairie et à l’école.

Cette perspective minimaliste ne soulève pas l’enthousiasme et le projet est ajourné. Il rebondit favorablement lorsque le 12 octobre 1950 M Tournier propose la vente d’un vaste terrain de 50 ares, débouchant entre l’église et le lavoir municipal. La surface convient parfaitement. C’est pourquoi la délibération du 21 avril 1951 autorise le maire à acheter ce terrain. Il faudra attendre les années 1953-54 pour que la réalisation intervienne.

Les limites de la modernisation du village

La réalisation du réseau d’alimentation en eau potable n’est qu’un des volets de la politique municipale d’amélioration de l’hygiène.

Il faut assurer aussi l’enlèvement des ordures ménagères. Il reste dans ce domaine encore beaucoup de progrès à faire. Elles sont ramassées à l’aide d’une voiture et d’un cheval loué à un agriculteur, M Solny. Mais lorsque le conseil s’avise de faire payer aux habitants une taxe générale d’enlèvement des ordures, il doit faire machine arrière en septembre 1948 : à cause de leur isolement et des difficultés d’accès sur certains chemins, certaines habitations ne sont pas desservies !

(Jean-Claude Bonnefont)